"Dans mon univers artistique, images et mots se bousculent, se battent parfois, s'aiment toujours, et le soir font l'amour pour accoucher de toute une armée de moi. J'écris les cigarettes pour mieux photographier le cendrier. J'écris le café que je renverse sur mes négatifs. J'écris la pluie quand j'ai la flemme de sortir, je photographie le soleil quand je veux boire un café avec toi en terrasse.

Je regarde souvent le monde en noir et blanc, parce que j'ai peur de me rendre compte qu'en couleur, ce qui tombe des yeux des nuages n'est pas de l'eau mais du sang. Alors quand l'eau coule et se fait encre, je m'assois sur un banc, je sors mon carnet et je t'attends. Tu arrives, pleine de couleurs, les joues roses comme un printemps. Si je fais tout ça, si je vole des images et si je cloue des mots sur mon paquetage, c'est pour laisser décembre mourir, pour laisser l'hiver pleurer et bouder tout seul dans son coin, sans même un mouchoir pour essuyer ses larmes. J'essaie de désarmer le désespoir et la tristesse, afin d'être le seul à avoir un fusil. J'impose ma dictature à tout un peuple de syllabes et d'images qui sans moi seraient opprimées par un autre. Je veux envahir le monde parce que ce que j'ai à exprimer est trop gros pour un journal intime. Je suis le contremaître de l'usine de mes rêves, et la pointeuse a le goût de tes lèvres. Tu vois, je te prends en photo pour éternellement te regarder me regarder droit dans les yeux de l'objectif, et je t'écris ces poèmes parce que les fleurs c'est périssable et parce que chaque lettre est faite pour ta bouche."

Je détruis ma maison

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