Phèdre performance/solo

Eblouissement et secret, le verbe poétique incarné par Pascaline Ponti seule en scène devient l'unique personnage du drame de Jean Racine.

Project visual Phèdre performance/solo
Successful
20
Contributions
06/24/2014
End date
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The publications

<p> J&#39;ai toujours pens&eacute; qu&#39;on pouvait dire Ph&egrave;dre comme un po&egrave;me, et non seulement le jouer comme une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre. Vous nous avez donn&eacute; ce texte vraiment unique, absolument extraordinaire, d&#39;un seul souffle, avec son rythme d&#39;hallali, marche fun&egrave;bre qui s&#39;acc&eacute;l&egrave;re au fur et &agrave; mesure que la Mort gagne du terrain, avec ses inspirations et ses expirations, ses pauses et ses d&eacute;ferlements, ses moments murmur&eacute;s et ses hurlements de rage, ou d&#39;amour, ou de souffrance, ces distinctions se confondent dans l&#39;incantation du po&egrave;me, et le dire ainsi en continu, sans chercher&nbsp; &agrave; jouer les &quot;personnages&quot; mais en faisant du verbe po&eacute;tique l&#39;unique et v&eacute;ritable personnage du drame, et en servant seulement le rythme du texte, fait appara&icirc;tre ce souffle haletant, sans cesse coup&eacute;, des esprits en proie &agrave; une panique surnaturelle qui hantent la Ph&egrave;dre de Racine. J&#39;imaginais un accompagnement de tambour, crescendo selon la progression de cette histoire de possession, habit&eacute; par des fant&ocirc;mes venus de l&#39;au-del&agrave;. Ou bien, pour cette le&ccedil;on de t&eacute;n&egrave;bres de l&#39;amour fou, le pr&eacute;lude de Tristan et la transfiguration de la mort d&#39;Isolde - mais il n&#39;y a pas de transfiguration chez Racine, il est &eacute;tonnant qu&#39;un po&egrave;te chr&eacute;tien ait pu r&eacute;aliser un drame aussi radicalement pa&iuml;en, pas un rayon de gr&acirc;ce pour venir nous sauver de la nuit du d&eacute;sir ni de l&#39;abandon &agrave; la mort. Le th&eacute;&acirc;tre, en divisant les voix, en les distribuant dans un jeu sc&eacute;nique r&eacute;gl&eacute; comme un ballet, certes fait appara&icirc;tre le rituel de la danse d&#39;amour et de mort mais aussi recouvre la puissance du pur flux po&eacute;tique, la magie de l&#39;invocation. Il y a dans Ph&egrave;dre quelque chose de la pythie, de la proph&eacute;tesse qui ne prend la parole qu&#39;au bord de l&#39;autre monde, &agrave; la limite des mondes, et l&#39;on sent dans tout le drame la proximit&eacute; mena&ccedil;ante des ombres infernales, de ces monstres surnaturels qui environnent la l&eacute;gende de Th&eacute;s&eacute;e, et qui reviennent avec ce roi de retour des enfers, pour l&#39;assomption finale, comme pour le retour d&#39;un refoul&eacute;. Ce que votre fi&egrave;vre m&#39;a fait aussi comprendre, c&#39;est le mariage paradoxal, dans le texte de Racine, d&#39;une extr&ecirc;me tenue de la langue - c&#39;est la langue fr&eacute;missante d&#39;une aristocratie non encore dompt&eacute;e par la monarchie, toujours dans la tension du d&eacute;fi, dans l&#39;imminence du duel- et de l&#39;absolue sauvagerie du contenu. <em>Une extr&ecirc;me violence dans une forme terriblement surveill&eacute;e, l&#39;union presque incompr&eacute;hensible d&#39;un s&eacute;isme inhumain et d&#39;une ma&icirc;trise plus qu&#39;humaine</em>. <em>Et il ne faut pas dire que l&#39;inhumanit&eacute; sacr&eacute;e qui r&eacute;pond &agrave; l&#39;appel po&eacute;tique est disciplin&eacute;e par la perfection de la forme, il faut &agrave; l&#39;inverse comprendre que c&#39;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette perfection de la forme&nbsp; qui est l&#39;expression de la plus intense, de la plus haute&nbsp; cruaut&eacute;.</em></p> <p> Il fallait oser nous faire entendre cette voix. Je ne suis pas pr&ecirc;t de l&#39;oublier.</p> <p> Jacques Darriullat (philosophe)</p> <p> <br /> <br /> <img alt="Img_5156dpp" src="https://kkbb-production.s3.amazonaws.com/uploads/project_image/image/92376/IMG_5156dpp.jpg" /></p>
<p> C&rsquo;est avant tout une histoire d&rsquo;&eacute;blouissement&nbsp;: Ph&egrave;dre est &laquo;&nbsp;&eacute;blouie du jour qu&rsquo;[elle] revoit&nbsp;&raquo;, et d&rsquo;abord par Hippolyte,&nbsp;Hippolyte par cette &laquo;&nbsp;flamme si noire&nbsp;&raquo; dont &laquo;&nbsp;la fille de Minos et de Pasipha&eacute;&nbsp;&raquo; lui fait l&rsquo;aveu, et par les exploits de son p&egrave;re Th&eacute;s&eacute;e, lui-m&ecirc;me &eacute;bloui par les accusations trompeuses d&rsquo;&OElig;none contre son fils... Ce jour-l&agrave;, le jour de la trag&eacute;die, ils sont tous comme foudroy&eacute;s par le formidable pouvoir de V&eacute;nus. Une seule voit s&rsquo;ouvrir devant elle un amour &laquo;&nbsp;clair et serein&nbsp;&raquo;&nbsp;: c&rsquo;est Aricie, jeune fille forte comme Racine sait les &eacute;crire, seule &agrave; &eacute;chapper &agrave; une parent&eacute; fatale avec les dieux&hellip;</p> <p> Ce n&rsquo;est pas la premi&egrave;re fois qu&rsquo;une com&eacute;dienne tente de donner le texte de Ph&egrave;dre en son entier, d&rsquo;en respirer tout le texte d&rsquo;un vaste souffle. La vertu de celle de Pascaline Ponti est de faire &laquo;&nbsp;monter&nbsp;&raquo; tous les personnages&nbsp;: Ism&egrave;ne, confidente d&rsquo;Aricie, Panope, &laquo;&nbsp;femme de la suite de Ph&egrave;dre&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;on oublie toujours, prennent ici leur vraie place, disent ce qu&rsquo;elles ont &agrave; dire, dans l&rsquo;instant, dans l&rsquo;urgence de la sc&egrave;ne, forc&eacute;ment &agrave; hauteur &eacute;gale. De m&ecirc;me, les questions politiques prennent ici leur vraie place&nbsp;: Hippolyte a grandi en un jour, et pas seulement comme successeur de son p&egrave;re suppos&eacute; mort. Il conquiert, dans ses paroles &agrave; Aricie, une vraie responsabilit&eacute;, et s&rsquo;il dit une fois de plus vouloir partir, ce n&rsquo;est plus en timide apprenti partant pour son grand tour d&rsquo;initiation, mais en prince raisonnable.</p> <p> Port&eacute; par Pascaline Ponti, le po&egrave;me dramatique a rarement r&eacute;sonn&eacute; avec une telle g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;. La Po&eacute;tique d&rsquo;Aristote recule d&rsquo;une case&nbsp;: le drame devient le r&eacute;cit, le chant qu&rsquo;il porte en lui. Tout est emport&eacute; dans un mouvement continu, d&rsquo;avanc&eacute;es et de retraits, d&rsquo;&eacute;lans et de retenue. La com&eacute;dienne n&rsquo;illustre jamais, ne s&eacute;pare pas les personnages, elle les encha&icirc;ne comme les diverses faces d&rsquo;une m&ecirc;me pens&eacute;e. Elle se laisse traverser par eux, et ils nous parviennent. Elle le fait, si l&rsquo;on peut dire, avec une passion tranquille, sans le moindre effet ni artifice.</p> <p> Ph&egrave;dre signifie, justement, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;blouissante&nbsp;&raquo;.</p> <p> Pascaline Ponti ne cherche pas &agrave; &eacute;blouir&nbsp;: elle &eacute;claire, et r&eacute;chauffe la pi&egrave;ce de Racine. C&rsquo;est fort, et beau.</p> <p> <em>Christine Friedel</em> le blog du Th&eacute;&acirc;tre</p> <p> <img alt="P7" src="https://kkbb-production.s3.amazonaws.com/uploads/project_image/image/92377/P7.jpg" /></p>