6 nov. 2011

L'océan insaisissable

L'océan ne ressemble pas à la mer, il est d'un vert plus dense, d'une eau plus houleuse, mousseuse d'écume et bleue de profondeur. L'océan ne ressemble pas à la mer, à très peu de distance on ne voit plus la terre, elle disparait, se confond à l'horizon et la ligne de partage entre ciel et mer devient une onde vibrante sur laquelle on ne trouve plus l'équilibre rassurant d'une droite connue.

Ocean

Nous sommes partis le we du 1er Novembre à la rencontre de l'océan et de notre parrain sportif Thierry Dubois. Nous étions invités à bord de La Louise, sa goélette beige de 20m et 4 voiles, pour assister au départ de la Transat Jacques Vabre, évènement sportif incontournable du monde de la voile.

La Louise à quai

Les docks et les bateaux

L'Etoile du Roy, imposante frégate

Décrire un début de course est difficile, il faut retranscrire l'animation des docks du Havre, soudain envahis de badauds voileux, d'enfants éblouis, de sponsors anxieux de leurs investissements... Les bateaux de course cotoîent les vieux gréements dans un charmant mélange de modernité désuète et de compétition acharnée. Les coureurs redécouvrent fébrilement chaque parcelle de leurs bateaux, ils vérifient d'une minutie d'horloger les moindres réglages, anticipent les performances, regardent la météo compulsivement...

Bateau et marques confondues

Les marques sponsor essaient de tirer leur épingle du jeu en organisant de grands concours de communication marketing ! Jacques Vabre distribue des cafés gratuitement dans des verres en plastiques recyclables en gobelets pour la maison et Vache qui rit organise des goûters d'anniversaires pour que les enfants viennent fêter des 90 ans d'existence (déjà...)

Le Havre, Port industriel

Nous consacrons le samedi à la découverte du Havre, ville détruite puis reconstruite, ville stigmate d'une guerre... Il est étrange de se balader dans une ville chargée d'histoire sans trouver la moindre trace ne serait-ce que d'un vieux centre ville.

Le dimanche est dédié au départ de la course. Thierry nous propose de venir voir, c'est un honneur, une chance de pouvoir assister au départ depuis le large ! Nous sautons sur l'occasion.
Très en amont des bateaux de course qui vont effectuer une première course de qualif, nous attendons qu'ils déploient leurs ailes. Le bateau chahute un peu au milieu des sillages croisés de tous ceux qui sont venus assister à l'évènement...Et soudain le départ est lancé, les bateau voguent, volent, forment une ligne de front colorée et puissante; Ils se rapprochent à toute allure, ils semblent ne pas sentir l'eau, être au dessus, glisser sur quelque pellicule invisible entre l'air et la mer... C'est un spectacle fabuleux, imposant, puissant et irréel.

De retour au port, nous ne prenons pas la peine de redescendre sur terre, les passagers venus à bord pour assister au départ sont débarqués en canoé... Il est 16h30, notre équipage monte à bord et nous appareillons pour Camaret. La navigation prévue est simple, directe... Il s'agit de parcourir Le Havre-Camaret en passant par Cherbourg et la pointe de Bretagne en 2 jours, 200 milles à faire et que de l'eau à l'horizon....

Notre Capitaine Thierry Dubois

Thierry et Brice

Sam, le maître coq

Trois championnes snowboard et ski embarquées !

Championne Julie et son entraîneur !

Rémi et Thierry.

Le Rhum de partage du début de traversée

De la navigation, du voyage, de la mer, je m'excuse mais je ne pourrai vous en parler. Je laisse à Brice le soin de vous expliquer le déroulement de la navigation une prochaine fois... Si je suis sortie 6h en tout et pour tout sur le pont de La Louise, c'est surtout de l'air salé et bienfaisant dont je me rappelle. Je fus victime d'un mal de mer tenace, rampant, de ceux qui vous clouent sur votre couchette, vous faisant espérer à chaque lancinante cadence du bateau que la fin est proche, que la terre va revenir, que la mer va devenir solide tout à coup... Ce genre de mal de mer qui vous terrasse et ne vous lâche plus...
Je garde néanmoins des souvenirs étonnement précis de La Louise et de cette traversée ! La Louise est un bateau qui respire, le verin hydraulique dont elle est équipée, effectue des échanges de pression en permanence. Le bruit qu'il fait ressemble au soupir d'une grosse bête, une sorte de respiration merveilleuse dont la coque, ossature de l'animal, résonne du son de l'air pulsé qui la lance en avant.

Lorsqu'après une nuit brumeuse et nauséeuse, je réussis à m'extraire de la couchette, le spectacle du bateau filant sur les vagues d'une mer bleu et or me rendit l'espoir. L'immensité de l'eau, la puissance tranquille des vagues, le déroulé rond et délié de chaque houle liquide calme l'angoisse dûe à la perte des repères fixes de l'intérieur.
De plus, le sourire chaud et lumineux de Marianne m'attendait comme un cadeau et un réconfort.

La Louise filant au vent

Dans le cockpit

Marianne

Effectuer une navigation si longue sur un seul bord ne peut se faire qu'en océan, la Méditerranée ne permet pas ce genre de repos. Face à l'onde tranquille et puissante du géant océan, la petite houle cassée et saccadée de Méditerranée, ses coups de vent incessants et ses accroches surprises la rendent insaisissable et capricieuse.

Mardi nous débarquons à 5h du matin, tous un peu exténués, tous rincés, tous heureux de retrouver la terre et tous déjà un peu nostalgiques de ne pas avoir pu profiter de chaque instant. Je n'étais pas la seule malade à bord...
Merci Capitaine ne nous avoir emmené, si ce n'est au bout du monde, si ce n'est dans les extases du large au moins jusqu'au bout de nos envies, nos espoirs et nos illusions; Au bout de nos connaissances et de nos savoirs sur la mer; Au bout de nos résistances; de nos convictions et de nos faux-semblants.

J'ai appris en 42h qu'il faut du temps pour développer le pied marin, que Brice est un marin hors-pair qui s'épanouit dans le roulis, que la voile est un sport magnifique, technique et d'une rare exigence. J'ai appris que la mer vous dénude, vous dépouille et vous laisse, poli, harassé, heureux à l'excès de retrouver la terre et que pourtant, elle sait partager des sensations de vide, d'absolu et de beauté incomparables. J'ai appris que la mer ne triche pas, qu'elle est seulement dans sa formidable puissance.

Sur terre, la Bretagne s'offrait, verte, humide, lumineuse et brumeuse à la fois, sauvage, ancienne... Les contes celtes semblaient tenaces dans les averses nimbées de lumière qui couraient sur les bruyères...
Et, regardant depuis les falaises du bout du monde les contours ourlés d'écume de la grande mer, je me pris à rêver de repartir sur l'eau, dans le tangage nauséeux d'un bateau qui vous emporte au bout de vous-même.

Capoupakap