Gori, l'individu libre

Produire et distribuer un film documentaire de 40 minutes sur Roland Gori, écrivain, psychanalyste et initiateur de l'Appel des Appel.

Visuel du projet Gori, l'individu libre
Échoué
25
Contributions
01/05/2014
Date de fin
835 €
Sur 8 000 €
10 %

Les publications

<p style=""> <strong>Obsession maladive, le bonheur est devenu un produit d&rsquo;appel des &eacute;diteurs. </strong>Fr&eacute;d&eacute;ric Lenoir avec <em>Du bonheur &ndash; Un voyage philosophique</em> ou Christophe Andr&eacute; avec<em> Et n&rsquo;oublie pas d&rsquo;&ecirc;tre heureux</em>, sont en t&ecirc;te des ventes des livres de non-fiction. En librairie, les gens heureux, ou les malheureux las de leur &eacute;tat, sont les meilleurs acheteurs : il suffit que le mot &ldquo;bonheur&rdquo; se trouve en couverture pour que la curiosit&eacute; se transforme en acte d&rsquo;achat autant qu&rsquo;en promesse de salut. Le bonheur, sujet bateau, rend ivres les lecteurs. Moins paradoxale que logique, cette aspiration aux secrets du bonheur pourrait &ecirc;tre l&rsquo;effet du besoin de consolation dans cette p&eacute;riode en crise.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> S&rsquo;il <em>&ldquo;n&rsquo;y a pas de honte &agrave; pr&eacute;f&eacute;rer le bonheur</em>&rdquo; (Albert Camus), cette obsession cache un vice plus pernicieux que l&rsquo;aspiration l&eacute;gitime &agrave; vouloir &ldquo;r&eacute;ussir sa vie&rdquo; : sa d&eacute;rive normative et apolitique. Comme le souligne Andr&eacute; Guigot dans <em>Pour en finir avec le &ldquo;bonheur&rdquo;</em> (Bayard), l&rsquo;aspiration au bonheur est une &ldquo;<em>injonction terrifiante, absolument normative et ins&eacute;parable d&rsquo;une police des conduites</em>&rdquo;. Trop parler du bonheur est le signe d&rsquo;une mani&egrave;re froide de l&rsquo;appr&eacute;hender comme une &ldquo;<em>performance</em>&rdquo; individuelle, une lutte de soi contre soi convoquant des recettes fixes (vaincre ses peurs, se d&eacute;tacher du monde, &eacute;quilibrer les plaisirs, vivre selon sa nature, att&eacute;nuer la tristesse), m&ecirc;me si chacun pressent que le bonheur ne surgit que lorsqu&rsquo;on ne l&rsquo;a pas cherch&eacute; ; il est inversement proportionnel &agrave; l&rsquo;obsession qu&rsquo;on lui porte.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> Ces voyages au pays du bonheur forment l&rsquo;indice de l&rsquo;abandon collectif dont nous sommes victimes et acteurs. &ldquo;<em>Seul compte le bien-&ecirc;tre individuel, le salut de sa petite tribu</em>&rdquo;, regrette Guigot. &ldquo;<em>On se moque des utopies du grand soir en rabaissant sournoisement l&rsquo;&eacute;talon d&rsquo;une vie r&eacute;ussie &agrave; l&rsquo;&eacute;go&iuml;sme le plus d&eacute;complex&eacute;</em>&rdquo;, rench&eacute;rit-il. <strong>Et comme s&rsquo;en d&eacute;sole Roland Gori, dans Faut-il renoncer &agrave; la libert&eacute; pour &ecirc;tre heureux ?, le d&eacute;clin de la participation citoyenne aux affaires publiques &ldquo;<em>va de pair avec cette recherche d&rsquo;un bonheur restreint au domaine priv&eacute;&rdquo;</em>. L&rsquo;injonction au bonheur devient le plus s&ucirc;r<em> &ldquo;alli&eacute; de la servitude</em>&rdquo;. En son nom, on serait pr&ecirc;t &agrave; renoncer &agrave; notre libert&eacute;, celle d&rsquo;assumer le risque m&ecirc;me de l&rsquo;existence, le jeu de l&rsquo;al&eacute;atoire, sans autre promesse que celle du plaisir de jouer, de gagner mais aussi de perdre.</strong></p> <div class="name" itemprop="author"> &nbsp;</div> <div class="name" itemprop="author"> <a href="http://www.lesinrocks.com/auteur/jean-marie-durand-3/" rel="author" title="Jean-Marie Durand">Jean-Marie Durand</a></div>
<p style=""> Philosophe, sp&eacute;cialiste de la pens&eacute;e antique, et philologue, membre de <a href="http://www.appeldesappels.org/tam-tam/-derriere-les-grilles-sous-la-direction-de-barbara-cassin-1560.htm" target="_blank">&ldquo;l&rsquo;Appel des appels&rdquo;</a>, Barbara Cassin s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve dans un livre collectif, <em>Derri&egrave;re les grilles</em>, contre l&rsquo;id&eacute;ologie dominante de l&rsquo;&eacute;valuation qui contamine tous les espaces sociaux. Elle d&eacute;nonce la folie des grilles qui &eacute;liminent toute inventivit&eacute; individuelle et tout espace de libert&eacute;. Rencontre avec l&rsquo;une des plus grandes figures de la philosophie actuelle, qui puise dans la sophistique les ressources d&rsquo;un engagement politique sur le contemporain.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Le texte d&rsquo;introduction &agrave; votre ouvrage <em>Derri&egrave;re les grilles</em> que vous signez avec Roland Gori est titr&eacute; &ldquo;Tous grill&eacute;s&rdquo;.&nbsp;Comment faut-il comprendre l&rsquo;expression&nbsp;: &ldquo;&eacute;valu&eacute;s, surveill&eacute;s, manipul&eacute;s, fascis&eacute;s, foutus&rdquo;&nbsp;?</b></p> <p style=""> <b>Barbara Cassin &ndash;</b> Tout cela, oui. On est cuits, on est pass&eacute; au gril, sur le gril, et on est prisonniers derri&egrave;re les grilles.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Mais est-ce le principe de l&rsquo;&eacute;valuation ou plut&ocirc;t ses exc&egrave;s, sa projection sociale, son instrumentalisation politique, qui vous r&eacute;volte&nbsp;?</b></p> <p style=""> Ce n&rsquo;est pas le principe en soi&nbsp;; si on n&rsquo;&eacute;value pas, cela ouvre &eacute;videmment &agrave; des d&eacute;rives et &agrave; des m&eacute;connaissances. Mais ce qui est intol&eacute;rable, c&rsquo;est la mani&egrave;re dont on &eacute;value, tous azimuts, en pr&eacute;sentant cela comme absolument indispensable, quoi qu&rsquo;on fasse, quel que ce soit le processus. C&rsquo;est particuli&egrave;rement vrai dans la pratique que je connais le mieux, celle de la recherche : un chercheur consacre plus de la moiti&eacute; de son temps &agrave; remplir des dossiers de ce genre pour avoir acc&egrave;s &agrave; des financements et acc&eacute;der &agrave; des programmes.</p> <p style=""> La bureaucratie en France est ahurissante, inefficace,&nbsp;contre-productive : un chercheur qui a atteint l&rsquo;&acirc;ge fatidique des 65 ans ne peut plus, par exemple, piloter de travaux, alors que c&rsquo;est le moment o&ugrave; son fameux &ldquo;facteur h&rdquo;, le nombre de publications dans des revues class&eacute;es A pond&eacute;r&eacute; par le nombre de citations qui en est fait, est suffisamment &eacute;lev&eacute;, dans les humanit&eacute;s en tout cas, pour lui permettre d&rsquo;avoir facilement acc&egrave;s aux financements &mdash; c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs l&rsquo;&acirc;ge de ceux qui dirigent des programmes analogues dans d&rsquo;autres pays comme les Etats-Unis par exemple&nbsp;: le CNRS se tire une balle dans le pied. Il n&rsquo;y a plus de discernement. Il faut cocher des cases, rentrer dans des items, simplement pour avoir &ldquo;acc&egrave;s &agrave;&rdquo;, et cela nous prend les deux tiers du temps. Tout le monde le sait, et pourtant on continue.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Ce principe d&rsquo;&eacute;valuation s&rsquo;applique-t-il &agrave; tous les espaces sociaux&nbsp;?</b></p> <p style=""> Oui, tous. M&ecirc;me les entretiens pr&eacute;natals deviennent des dispositifs de surveillance. Et cela ne cesse pas&nbsp;: les &eacute;valuations en maternelle, questionnaires de sant&eacute; mentale appliqu&eacute;s aux enfants sont terrifiants. Les d&eacute;bats autour du DSM IV, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ont r&eacute;v&eacute;l&eacute; ces abus. Il n&rsquo;y a plus besoin de parole, mais simplement de m&eacute;dicament. Les psys dans leur ensemble se sont mobilis&eacute;s contre ces d&eacute;rives, quand m&ecirc;me. Oui, notamment &agrave; travers l&rsquo;Appel des appels. Mais c&rsquo;est pourtant cela qui est en vigueur&nbsp;; il n&rsquo;y a plus assez d&rsquo;infirmi&egrave;res, on est aujourd&rsquo;hui dans des h&ocirc;pitaux du XIXe si&egrave;cle&nbsp;; on attache&nbsp;; c&rsquo;est la pratique de la contention&nbsp;; les simulations c&eacute;r&eacute;brales profondes, ce qu&rsquo;on appelait les &eacute;lectrochocs, se multiplient&hellip; La camisole chimique et la camisole &eacute;lectrique pr&eacute;dominent. Parce qu&rsquo;on n&rsquo;a plus de temps de s&rsquo;occuper d&rsquo;un sujet en face.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Par quel moyen une bonne &eacute;valuation pourrait donc se d&eacute;ployer&nbsp;? Par la parole&nbsp;?</b></p> <p style=""> Oui, cela passe plus par la parole que par la grille&nbsp;; j&rsquo;ai connu des &eacute;valuations relativement heureuses au CNRS&nbsp;; on lisait des rapports, on entendait des gens, on en discutait. Cela n&rsquo;&eacute;tait pas coupaill&eacute; en items h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui ont une seule finalit&eacute;&nbsp;: le &ldquo;ranking&rdquo; (classement) et l&rsquo;&eacute;limination. On est aujourd&rsquo;hui dans le &ldquo;Google-monde&rdquo;&nbsp;: la qualit&eacute; n&rsquo;est plus qu&rsquo;une propri&eacute;t&eacute; &eacute;mergente de la quantit&eacute;. C&rsquo;est le mod&egrave;le des moteurs de recherche&nbsp;; cela ne tient compte que de l&rsquo;opinion du plus grand nombre. Or par d&eacute;finition elle n&rsquo;a pas acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;invention, au nouveau, puisqu&rsquo;on ne remarque pas l&rsquo;absence d&rsquo;un inconnu (c&rsquo;est ce que l&rsquo;&eacute;diteur J&eacute;r&ocirc;me Lindon disait de Beckett). Sur ce fond-l&agrave;, les probl&egrave;mes financiers font le reste.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Vous indexez donc cette obsession de l&rsquo;&eacute;valuation &agrave; l&rsquo;imposition du mod&egrave;le n&eacute;olib&eacute;ral&nbsp;?</b></p> <p style=""> Oui, sauf qu&rsquo;on ne sait plus tr&egrave;s bien ce que ce mot veut dire&nbsp;; il est trop g&eacute;n&eacute;rique. Je ne sais pas qui n&rsquo;est pas n&eacute;olib&eacute;ral aujourd&rsquo;hui. La gauche et l&rsquo;ultragauche sont un peu perdues. Il y a, je crois, une place pour un discours humaniste, avec tous les guillemets que vous voulez, mesurant toutes les confusions et ambigu&iuml;t&eacute;s que comporte ce d&eacute;placement de la politique, et dont profite aujourd&rsquo;hui le Front national.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Qu&rsquo;entendez-vous par discours humaniste&nbsp;? N&rsquo;est-ce pas un concept plus flou que ce qu&rsquo;il a incarn&eacute; &agrave; d&rsquo;autres moments de notre histoire ?</b></p> <p style=""> Je me suis longtemps m&eacute;fi&eacute;e de l&rsquo;humanisme&nbsp;; cela sent souvent mauvais, comme un truc d&rsquo;h&eacute;ritier. Or, aujourd&rsquo;hui, il me semble que l&rsquo;humanisme et les humanit&eacute;s, c&rsquo;est un discours de r&eacute;sistance. Savoir choisir ses amis dans le pass&eacute;, ce qui est la d&eacute;finition de la culture par Hannah Arendt, est aujourd&rsquo;hui une facult&eacute; politique. Et c&rsquo;est m&ecirc;me la facult&eacute; politique par excellence. Avoir envie d&rsquo;&eacute;duquer &agrave; cela les enfants, penser que la culture est un enjeu important, c&rsquo;est cela l&rsquo;humanisme. R&eacute;fl&eacute;chissons pour &eacute;duquer le go&ucirc;t. Ce ne peut pas &ecirc;tre une histoire d&rsquo;h&eacute;ritage, prenons-le comme quelque chose &agrave; construire, qui permette de ne pas tomber t&ecirc;te baiss&eacute;e derri&egrave;re les grilles.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Le go&ucirc;t vous semble-t-il en danger&nbsp;?</b></p> <p style=""> Oui, il l&rsquo;&eacute;tait sous Sarkozy, comme l&rsquo;affaire de <em>La Princesse de Cl&egrave;ves</em> l&rsquo;avait illustr&eacute;. Mais on n&rsquo;a rien chang&eacute; depuis&nbsp;; on est toujours dans les &eacute;l&eacute;ments de langage, ce qui est pour moi la banalit&eacute; du mal&nbsp;; on est dans les grilles d&rsquo;&eacute;valuation, dans le souci constant et mortif&egrave;re de classer et &eacute;liminer.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> <b>Comment &eacute;viter d&rsquo;entrer dans des cases&nbsp;? N&rsquo;est-ce difficile de trouver des ressources en soi pour se prot&eacute;ger contre la servitude volontaire&nbsp;?</b></p> <p style=""> Ce que je sais seulement, c&rsquo;est que gueuler tr&egrave;s fort, ensemble, cela produit des effets. Des Indign&eacute;s &agrave; la place Ma&iuml;dan. C&rsquo;est &agrave; peu pr&egrave;s le seul contre-pouvoir que je vois. Ce dont je ne veux pas, ni pour moi ni pour les autres, eh bien, je le dis. Et j&rsquo;explique pourquoi. Et je trouve des gens qui ne veulent pas &ccedil;a non plus. Et on en parle, et &ccedil;a s&rsquo;agite. C&rsquo;est &agrave; cela aussi que peuvent servir Google et les r&eacute;seaux sociaux. Il faut reprendre la main technique sur la technique.</p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> Les Inrocks / Jean-Marie Durand</p>
<p> <a href="http://motherboard.vice.com/read/report-researchers-are-becoming-too-obsessed-with-chasing-pageviews?curator=MediaREDEF&amp;utm_source=feedburner&amp;utm_medium=feed&amp;utm_campaign=Feed%3A+Counterparties+%28Counterparties%29">Trop d&rsquo;articles scientifiques tuent-ils la science?</a> C&rsquo;est en quelque sorte ce que montre une &eacute;tude d&rsquo;Arturo Casadevall, du Coll&egrave;ge de m&eacute;decine Albert Einstein &agrave; New York, <a href="http://mbio.asm.org/content/5/2/e00064-14.full">&laquo;Les causes de la persistance de la folie du facteur d&rsquo;impact&raquo;</a> :</p> <blockquote> <p> <em>&laquo;La terrible envie de publier dans un journal acad&eacute;mique prestigieux engendre une &ldquo;folie&rdquo; qui a conduit les scientifiques &agrave; se consacrer &agrave; la publication d&rsquo;&eacute;tudes qui peuvent potentiellement faire l&rsquo;actu, au lieu de se concentrer &agrave; faire de la science de qualit&eacute;.&quot;</em></p> </blockquote> <p> &nbsp;</p> <p> Pourquoi veulent-ils absolument &ecirc;tre publi&eacute;s dans de telles revues? La r&eacute;ponse tient en une expression: &laquo;impact factor&raquo;, ou &laquo;<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_d%27impact">facteur d&rsquo;impact</a>&raquo; en fran&ccedil;ais. Pour r&eacute;sumer, cet indice bibliom&eacute;trique mesure le nombre de fois qu&rsquo;un article est cit&eacute; dans d&rsquo;autres revues scientifiques. Les grands gagnants sont bien entendu les revues reprises le plus grand nombre de fois.</p> <p> Mais au fil du temps, <a href="http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=342">le facteur d&rsquo;impact a d&eacute;vi&eacute; de son but initial</a>, expliquent Marie Del Volgo et Roland Gori, dans un article consacr&eacute; pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; la bibliom&eacute;trie, publi&eacute; sur I-revue:</p> <blockquote> <p> <em>&laquo;Bien que le facteur d&rsquo;impact ait &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; &agrave; l&rsquo;origine comme mesure de la r&eacute;putation d&rsquo;une revue, il est de plus en plus employ&eacute; comme mesure de la productivit&eacute; des chercheurs.&raquo;</em></p> </blockquote> <p> Voil&agrave; pourquoi Arturo Casadevall parle de &laquo;folie du facteur d&#39;impact&raquo;&nbsp;: ce qui compte pour les scientifiques, ce n&rsquo;est plus la science elle-m&ecirc;me, mais l&rsquo;obsession de voir un jour son &eacute;tude publi&eacute;e dans Science, Nature, ou Cell. A la clef de ces publications, les r&eacute;compenses pleuvent: <em>&laquo;emplois, bourses, visibilit&eacute;&raquo;</em>, d&eacute;taille Arturo Casadevall. Marie Del Volgo et Roland Gori concluent:</p> <blockquote> <p> <em>&laquo;Le facteur d&rsquo;impact est une&nbsp;</em><em>mesure de popularit&eacute;</em><em>, non de prestige.&raquo;</em></p> </blockquote> <p> C&rsquo;est bien l&agrave; que le b&acirc;t blesse. Comme le d&eacute;veloppe longuement Motherbroad, &ecirc;tre publi&eacute; dans une revue scientifique prestigieuse ne garantit pas de la qualit&eacute; de l&rsquo;&eacute;tude. Casadevall donne l&rsquo;une des explications &agrave; cela:</p> <blockquote> <p> <em>&laquo;Exiger des scientifiques qu&rsquo;ils m&egrave;nent des recherches avec un haut facteur d&rsquo;impact cr&eacute;e un biais fort: cela les d&eacute;courage de faire des recherches tr&egrave;s risqu&eacute;es et cela r&eacute;duit les chances de d&eacute;couvertes r&eacute;volutionnaires inattendues.&raquo;</em></p> </blockquote> <p> Il faut en effet travailler vite, pour &ecirc;tre publi&eacute; le plus possible sur une p&eacute;riode donn&eacute;e, le facteur d&#39;impact &eacute;tant calcul&eacute; sur deux ans. Arturo Casadevall donne plusieurs pistes pour pallier ces imperfections de la bibliom&eacute;trie, notamment le <em>&laquo;boycott des revues prestigieuses&raquo;</em>. Pour lui, les seuls qui peuvent vraiment changer ce syst&egrave;me, ce sont les chercheurs eux-m&ecirc;mes:</p> <blockquote> <p> <em>&laquo;Le seul rem&egrave;de au facteur d&rsquo;impact doit venir des scientifiques eux-m&ecirc;mes. Si les scientifiques ne parviennent pas &agrave; limiter leur folie de l&rsquo;impact factor, ils vont transmettre &agrave; leurs successeurs un syst&egrave;me de valeurs fauss&eacute; qui r&eacute;compense l&rsquo;accumulation de publications dans des journaux exclusifs plut&ocirc;t que l&rsquo;acquisition de savoirs, et qui promeut une obsession du succ&egrave;s individuel plut&ocirc;t que celle du service rendu &agrave; la soci&eacute;t&eacute;&raquo; </em></p> </blockquote> <p> <strong><em>Camille Jourdan. Slate.fr</em></strong></p>
<p id="articleChapo"> <strong>La relation &agrave; l&rsquo;argent n&rsquo;est jamais simple. Mais payer en esp&egrave;ces, par ch&egrave;que ou par carte de cr&eacute;dit, en dit aussi long sur nous&hellip;</strong></p> <p> &nbsp;</p> <div class="pave300x300"> <div class="publicite_top"> <a href="http://memorix.sdv.fr/5c/www.lanouvellerepublique.fr/divers/904258954/Position1/default/empty.gif/48794166446c444e39354541422f584d" target="_blank"><img alt="" border="0" height="1" src="http://memorix.sdv.fr/0/default/empty.gif" width="1" /></a></div> </div> <p> Nul n&#39;est vraiment conscient de ce qui se joue en coulisses dans sa fa&ccedil;on de d&eacute;penser son argent. Aux yeux de Roland Gori (1), psychanalyste et sp&eacute;cialiste des liens entre inconscient et &eacute;conomie, l&#39;angoisse du num&eacute;raire illustre nos relations ancestrales et puissantes avec les modes de paiement. <i>&laquo;&nbsp;La dette est ant&eacute;rieure &agrave; l&#39;apparition de la monnaie&thinsp;: depuis les d&eacute;buts de l&#39;humanit&eacute;, pour garantir une dette, il a fallu d&eacute;poser quelque chose en gage, un objet, soi-m&ecirc;me ou sa famille, </i>rappelle-t-il.<i>&nbsp;La monnaie est apparue pour symboliser cette garantie. Elle s&#39;y est substitu&eacute;e, mais la signification inconsciente demeure. Ne pas avoir d&#39;argent, c&#39;est, symboliquement, risquer son corps.&nbsp;&raquo;</i> Cette notion &eacute;claire en partie nos comportements et nos usages.<br /> &nbsp;</p> <p> <b>Du tr&eacute;buchant qui file </b></p> <p> Le terme est d&eacute;j&agrave; une indication&thinsp;: la monnaie nous file entre les doigts, l&#39;argent coule (&agrave; flots). Cette fluidit&eacute; de la monnaie procure une sensation physique de pl&eacute;nitude, voire de virilit&eacute; &ndash; une liasse de billets montre<i>&nbsp;&laquo;&nbsp;qu&#39;on en a&nbsp;&raquo; &ndash;</i> mais aussi de perte. Le num&eacute;raire permet de visualiser la somme d&eacute;pens&eacute;e du premier coup d&#39;&oelig;il, de savoir ce qui nous reste (ou pas). L&#39;argent liquide ne nous ment pas. <i>&laquo;&nbsp;Manipuler des esp&egrave;ces,</i> pr&eacute;cise Roland Gori, <i>nous rappelle toujours le manque, le plus souvent celui du temps que nous avons pass&eacute; &agrave; le gagner.&nbsp;&raquo; </i>Et comme leur valeur est encore garantie par les &Eacute;tats, billets et pi&egrave;ces assurent que la dette &ndash; l&#39;achat, le r&egrave;glement d&#39;une facture &ndash; sera acquitt&eacute;e. Autrement dit, il y a une co&iuml;ncidence, une rencontre dans notre psychisme entre le maniement des pi&egrave;ces, des billets et la dette originelle&thinsp;:<i>&nbsp;&laquo;&nbsp;&ecirc;tre quitte&nbsp;&raquo;</i> a la m&ecirc;me origine que le verbe <i>&laquo;&nbsp;quitter&nbsp;&raquo;. </i></p> <p> <br /> <i>&laquo;&nbsp;Les cartes repr&eacute;sentent un niveau d&#39;abstraction suppl&eacute;mentaire, de &quot;&thinsp;d&eacute;corpor&eacute;isation&thinsp;&quot;</i>, analyse Roland Gori. <i>Elles installent une distance entre l&#39;argent et l&#39;objet. On ne paie pas de la m&ecirc;me mani&egrave;re en face &agrave; face ou num&eacute;riquement. Nous nous trouvons alors loin de l&#39;origine de la dette. La face symbolique du moyen de paiement (qui existe aussi dans l&#39;argent liquide) est accentu&eacute;e au d&eacute;triment de sa face r&eacute;elle.&nbsp;&raquo;</i> Pour nos cerveaux archa&iuml;ques qui ont du mal &agrave; se mettre au go&ucirc;t du jour, la carte n&#39;est rien d&#39;autre qu&#39;un bout de plastique, sans repr&eacute;sentation marqu&eacute;e.<i>&nbsp;&laquo;&nbsp;Nous confondons virtuel et irr&eacute;el&nbsp;&raquo;,</i> souligne le psychanalyste.</p> <p> &nbsp;</p> <p> &nbsp;<i>(1) &laquo;&nbsp;La Fabrique des imposteurs&nbsp;&raquo; (Les Liens qui lib&egrave;rent, 2013).</i></p> <p> &nbsp;</p> <p> La Nouvelle R&eacute;publique</p>
<div class="node-inner" id="bloggPostInner"> <div class="submitted"> <p class="author under-title"> <span class="article-date">07 avril 2014</span> |</p> </div> <div style="float:right;height:21px;margin-top:-35px;width:150px"> &nbsp;</div> <div class="content"> <p> <b>Roland Gori</b> est psychanalyste et professeur de psychopathologie clinique &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Aix-Marseille. Il est aussi l&rsquo;initiateur<br /> de L&rsquo;Appel des appels (2009) qui a recueilli 80 000 signatures en quelques semaines <sup>1</sup>. Ses ouvrages essayent de penser la modernit&eacute; en conjonction avec une &eacute;thique du sujet et insistent sur les ravages id&eacute;ologiques que les logiques scientistes autant que lib&eacute;rales produisent aupr&egrave;s des citoyens dont on nie le statut de sujets en les ravalant au rang d&rsquo;individus statistiques.</p> <p> &nbsp;</p> <p> Son dernier livre, <i>La Fabrique des imposteurs </i>(Editions Des Liens qui lib&egrave;rent) synth&eacute;tise les lignes de force d&rsquo;une r&eacute;flexion qui montre comment une nouvelle rationalit&eacute; politique est en &oelig;uvre, qui op&egrave;re davantage par la norme que par la loi, et dont la cons&eacute;quence est une prol&eacute;tarisation des m&eacute;tiers, la mont&eacute;e en puissance d&rsquo;une bureaucratie d&rsquo;expertise et une ali&eacute;nation de la d&eacute;mocratie. Une mise en garde tonique contre nos propres renoncements.</p> <p> &nbsp;</p> <p> <b>L&rsquo;imposture a toujours exist&eacute;. En quoi la soci&eacute;t&eacute; actuelle favorise-t-elle une imposture d&rsquo;un type in&eacute;dit et sa multiplication&nbsp;? Et pourquoi, aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;imposteur est comme &laquo;&nbsp;un poisson dans l&rsquo;eau&nbsp;&raquo;&nbsp;?</b><br /> Les imposteurs sont des &eacute;ponges vivantes qui absorbent les rituels, les opinions, les valeurs de la com&eacute;die sociale de leur &eacute;poque. Aujourd&rsquo;hui, nous avons des imposteurs qui ressemblent &agrave; notre soci&eacute;t&eacute;. C&rsquo;est celui qui va un peu traficoter au niveau des chiffres, un peu magouiller au niveau des dossiers administratifs pour r&eacute;pondre aux exigences formelles des normes et des proc&eacute;dures&hellip;</p> <p> L&rsquo;on aura donc plut&ocirc;t un imposteur dans la sp&eacute;culation num&eacute;rique dans la lign&eacute;e d&rsquo;un Bernard Madoff <sup>2</sup>. Il y a une v&eacute;ritable d&eacute;mocratisation de l&rsquo;imposture. Nous sommes dans une soci&eacute;t&eacute; de la norme qui a tellement le souci de calibrer les comportements et les modes de vie qu&rsquo;on peut dire que l&rsquo;imposture constitue presque une solution aux exigences normatives de notre soci&eacute;t&eacute;.</p> <p> &nbsp;</p> <p> Cette imposture - l&rsquo;entendre au sens que Moli&egrave;re donnait au Tartuffe qui mimait tout le rituel de la foi et de ce fait bernait les autres - s&rsquo;apparente aujourd&rsquo;hui, non pas &agrave; une d&eacute;votion monoth&eacute;iste ou m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie d&rsquo;un parti politique, mais plut&ocirc;t &agrave; la religion du march&eacute;. Aujourd&rsquo;hui, la com&eacute;die sociale se fonde sur l&rsquo;id&eacute;e de vendre des apparences &agrave; l&rsquo;opinion.</p> <p> &nbsp;</p> <p> <b>Pour pr&eacute;ciser votre pens&eacute;e, les lieux o&ugrave; r&egrave;gne l&rsquo;imposture sont les sondages, la culture de l&rsquo;audimat, la communication, et tous ces syst&egrave;mes d&rsquo;&eacute;valuation dont vous avez parl&eacute; dans <i>La Folie &eacute;valuation, Les nouvelles fabriques de la servitude</i>&hellip;</b><br /> Une &eacute;mission de t&eacute;l&eacute;vision n&rsquo;a de valeur qu&rsquo;en fonction de l&rsquo;audimat, une l&eacute;galit&eacute; externe purement commerciale. Par cons&eacute;quent, il s&rsquo;agira de faire plus du journalisme de spectacle que du journalisme de r&eacute;flexion. Ce qui d&eacute;termine des strat&eacute;gies, m&ecirc;me chez les journalistes, dans la mani&egrave;re de vendre du spectacle plut&ocirc;t que d&rsquo;inciter &agrave; la formation critique du citoyen. On retrouve cette d&eacute;rive dans &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;conomie de la connaissance&nbsp;&raquo;, comme on se pla&icirc;t &agrave; la nommer aujourd&rsquo;hui, ou dans la sant&eacute; &agrave; travers une conception manag&eacute;riale du soin. Technicisation, quantification, fragmentation, rationalisation, formalisation num&eacute;rique, normes gestionnaires agissent de concert dans cette prol&eacute;tarisation des m&eacute;tiers et assurent une h&eacute;g&eacute;monie culturelle n&eacute;cessaire au pouvoir.<br /> &nbsp;</p> <p> Ainsi, des tas de petites impostures sont ins&eacute;parables des m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;valuation et de la mani&egrave;re dont on va doter une activit&eacute; d&rsquo;une valeur. Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;&eacute;valuation &eacute;tant le cheval de Troie de la logique de march&eacute;, l&rsquo;on fabrique des faux comptables et une pens&eacute;e extr&ecirc;mement simplifi&eacute;e. Si ce qui compte, c&rsquo;est la popularit&eacute; et la r&eacute;putation, plus que la v&eacute;rit&eacute; et la vertu, &agrave; partir de l&agrave; les gens se d&eacute;brouillent comme les Etats d&rsquo;ailleurs. Prenez la Gr&egrave;ce, si le pays ne r&eacute;pond pas &agrave; certaines normatives, on va pr&eacute;senter des pi&egrave;ces comptables qui sont des faux&hellip;</p> <p> &nbsp;</p> <p> <b>Vous soulignez aussi que les lignes de force de cette imposture sont que la norme l&rsquo;emporte sur la loi, l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t individuel sur le souci g&eacute;n&eacute;ral, le pragmatisme sur l&rsquo;id&eacute;al, la performance sur le sens, l&rsquo;opportunisme sur la vertu. C&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;elles &eacute;pousent le credo du n&eacute;o-lib&eacute;ralisme&nbsp;?</b><br /> C&rsquo;est &eacute;vident&nbsp;! En gros, l&rsquo;Etat avait des fonctions analogues &agrave; celles de la religion. Il &eacute;tait un paradigme parall&egrave;le &agrave; la religion. A partir du moment o&ugrave; l&rsquo;on a d&eacute;tricot&eacute; ses pr&eacute;rogatives au profit de la logique de march&eacute;, c&rsquo;est l&rsquo;opinion qui prime, c&rsquo;est-&agrave;-dire le cr&eacute;dit que l&rsquo;on peut inspirer &agrave; l&rsquo;autre si on l&rsquo;a convaincu. D&egrave;s lors tous les secteurs sont affect&eacute;s par une logique de concurrence et l&rsquo;on est dans un march&eacute; globalis&eacute;.</p> <p> &nbsp;</p> <p> Benjamin Franklin disait que la morale devait &ecirc;tre utilitaire et que si l&rsquo;on devait avoir un comportement moral, c&rsquo;&eacute;tait pour donner du cr&eacute;dit en affaires. Mais il disait aussi que l&rsquo;apparence de morale suffisait parfois &agrave; avoir du cr&eacute;dit et que ce n&rsquo;&eacute;tait pas la peine de faire une d&eacute;pense suppl&eacute;mentaire en terme de comportement s&rsquo;il suffisait d&rsquo;avoir une apparence de comportement (rire)&hellip;</p> <p> &nbsp;</p> <p> <b>En quoi cette imposture new look phagocyte le d&eacute;bat d&eacute;mocratique, la transmission d&rsquo;exp&eacute;riences, transforme l&rsquo;&eacute;tat psychique du corps social&nbsp;? Grosso modo, si l&rsquo;on vous lit, cela induit une sorte de totalitarisme soft&nbsp;?</b><br /> C&rsquo;est l&rsquo;ensemble de mes travaux qui me conduit &agrave; cette conclusion. Finalement, la politique qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;est&nbsp;? En d&eacute;mocratie, la v&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est pas inscrite ni dans des textes, ni dans des directives, ni fig&eacute;es dans une tradition. Elle est issue d&rsquo;un d&eacute;bat citoyen. A la diff&eacute;rence des th&eacute;ocraties, les Ath&eacute;niens et les Grecs ont invent&eacute; une forme de gouvernement par le d&eacute;bat, avec l&rsquo;al&eacute;a de la libert&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire de ne pas savoir o&ugrave; l&rsquo;on va. Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;on est davantage dans une forme de d&eacute;mocratie d&eacute;g&eacute;n&eacute;r&eacute;e, une d&eacute;mocratie d&rsquo;expertises et d&rsquo;opinion.<br /> &nbsp;</p> <p> C&rsquo;est-&agrave;-dire que la capacit&eacute; de penser des &eacute;lus se trouve confisqu&eacute;e par les machines, mat&eacute;rielles ou immat&eacute;rielles. La d&eacute;mocratie d&rsquo;opinion, c&rsquo;est la soci&eacute;t&eacute; du spectacle, c&rsquo;est essayer de vendre, par une publicit&eacute; mensong&egrave;re et tapageuse, de bonnes mani&egrave;res de penser les choses. On est aujourd&rsquo;hui dans une politique qui se r&eacute;duit &agrave; une police des normes. Ce qui est le contraire de ce qui a pu constituer l&rsquo;invention de la d&eacute;mocratie dans laquelle on va pouvoir trouver la bonne d&eacute;cision pour la Cit&eacute;, inventer une v&eacute;rit&eacute; nouvelle et un futur, &agrave; partir du d&eacute;bat.<br /> &nbsp;</p> <p> <b>Quels antidotes &agrave; cette imposture&nbsp;?</b><br /> L&rsquo;imposture est une tentative pour s&rsquo;adapter aux exigences d&rsquo;un environnement qui vous oblige &agrave; vivre au dessus de vos moyens. C&rsquo;est le mensonge, la tricherie, le cynisme. La solution c&rsquo;est de redonner au politique toute sa place, sa substance, sa sp&eacute;cificit&eacute;. C&rsquo;est de produire des occasions citoyennes de se r&eacute;approprier une d&eacute;mocratie confisqu&eacute;e par la technocratie. C&rsquo;est &eacute;videmment le d&eacute;bat citoyen. C&rsquo;est le courage politique. Et c&rsquo;est surtout de redonner toute sa place &agrave; la culture dans la formation de l&rsquo;humanit&eacute; et des soci&eacute;t&eacute;s.<br /> &nbsp;</p> <p> <b>Vous insistez sur l&rsquo;ali&eacute;nation de l&rsquo;homme num&eacute;rique.</b><br /> La technique est une formidable source d&rsquo;&eacute;mancipation sociale. Elle n&rsquo;est pas l&rsquo;ennemie de l&rsquo;homme puisque c&rsquo;est une s&eacute;cr&eacute;tion m&ecirc;me de l&rsquo;humain. Mais &agrave; un moment donn&eacute;, cette source, eut &eacute;gard &agrave; la transformation des rapports sociaux, s&rsquo;est transform&eacute;e en dispositif d&rsquo;ali&eacute;nation et de soumission sociale. Si bien qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui ce sont les machines qui nous prescrivent ce que nous devons faire. Non seulement dans nos m&eacute;tiers, voir la machine qui rationnalise nos actes, mais aussi dans notre libert&eacute; de penser puisque la machine num&eacute;rique avec ses protocoles pense &agrave; notre place. A un certain moment, notre production nous a &eacute;chapp&eacute;. Il faut que nous puissions retrouver le contr&ocirc;le de la machine num&eacute;rique et non pas la servir.</p> <p> &nbsp;</p> <p> Cela veut dire qu&rsquo;&agrave; un moment donn&eacute;, il faut arr&ecirc;ter de regarder le compteur et voir la route sinon l&rsquo;on va dans le d&eacute;cor. Il faut permettre &agrave; l&rsquo;homme d&rsquo;&eacute;prouver ses exp&eacute;riences de vie. Il faut redonner au vivant toute sa place. Il y a une tr&egrave;s belle phrase de Georges Canguilhem qui dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>la raison est r&eacute;guli&egrave;re comme un comptable&nbsp;; la vie, anarchique comme un artiste</i>&nbsp;&raquo;. Il faut &ecirc;tre rationnel mais aussi avoir un peu de vie po&eacute;tique en nous sinon on est mort.</p> <p> &nbsp;</p> <p> <b>Propos recueils par Frank Tenaille</b></p> <p> &nbsp;</p> <p> <sup>1</sup>. L&rsquo;Appel des appels (www.appeldesappels.org) qu&rsquo;il consid&egrave;re comme un laboratoire d&rsquo;id&eacute;es pour d&eacute;construire les mod&egrave;les impos&eacute;s de soumission sociale et professionnelle des soins, de l&rsquo;&eacute;ducation, de la justice, de la culture, de la formation.<br /> <sup>2</sup>. Bernard Madoff, fondateur d&rsquo;une des principales soci&eacute;t&eacute;s d&rsquo;investissement de Wall Street, a &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute; pour avoir r&eacute;alis&eacute; une escroquerie portant sur 65 milliards de dollars.</p> </div> </div> <p> &nbsp;</p>
Cette année le thème choisi pour ces Rencontres fait directement écho au terme de "collectif" : les débats porteront sur le sens du "bien commun" et sa brûlante actualité. Samedi 5 juillet à partir de 14 heures : Le brouillage idéologique : analyse de l’impuissance politique. La vie démocratique et la construction de mondes communs devraient être l’affaire de tous.Or un rationalisme économique mortifère qui « vise à araser l'humain au profit des logiques comptables et marchandes » (Roland Gori) tend à rendre caduque la politique comme souci de l'autre et préservation du bien commun.Il renforce l'individualisme et conduit à une perte de valeurs et de repères qu'ils soient idéologiques, politiques ou éthiques. Comment vivifier l'énergie démocratique du vivre et penser ensemble? Première partie Intervenant : Roland GORI, psychanalyste, Professeur émérite de psychologie et de psychopathologie clinique ; cofondateur de l'Appel des appels en 2008, auteur de nombreux ouvrages dont La dignité de penser, La fabriques des imposteurs, Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ? Discutant : Michel GRANGER, Professeur émérite de littérature américaine à Lyon, spécialiste de Henry D. Thoreau. Deuxième partie Christian MAUREL, sociologue, cofondateur du Collectif national Education populaire et Transformation sociale. Gérard PERRIER, auteur de Vitrolles, un laboratoire de l’extrême-droite et de la crise de la gauche → Plusieurs acteurs témoigneront de leur engagement créatif social, culturel, politique (contacts en cours).
Deux essais, l'un sur la folie, l'autre sur la liberté mettent à mal le sujet et sa singularité au temps de la norme... Hôpital de Tours. Extérieur jour. Un fou tourne dans la cour. A la même heure, matin et soir. Plus de contact. L'équipe démotivée a un peu délaissé ce psychotique -"processus aliénatoire inconscient type". Même lieu. Extérieur jour. Quelques temps plus tard. Le même dans sa ronde infernale. Le sol en est marqué. Contre l'avis du surveillant, un agent du service hospitalier rejoint le cercle... Tours. Hors les murs. Bien plus tard. Deux hommes, les mêmes. L'un est fou -il habite désormais en ville-, l'autre pas. Ils vont faire ensemble des courses. Il y a dans ces scènes réelles et uniques le substrat d'un essai, passionnant parce qu'engagé, résolument humaniste et désaliéniste, remarquablement argumenté de Patrick Coupechoux, Un homme comme vous, Essai sur l'humanité de la folie. Il connaît son sujet. On lui doit notamment Un monde de fous (2006) et La déprime des opprimés (2009). On trouvera la même résistance à l'air du temps dans Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux? de Roland Gori, universitaire, lanceur d'alerte (L'appel des appels date de 2009) et psychanalyste. Sa thèse est que nous préférons l'illusion hédoniste et "une sécurité de pacotille" à l'angoisse de ce "point de vide qui permet de désirer, d'assumer sans s'y résoudre l'absurdité du monde et de sa finitude". "I would prefer not to" ("Je préférerais n'en rien faire") du Bartleby de Herman Melville est bien un choix existentiel. La disparition des grands récits, celle des mythes fondateurs est cette question sérieuse et récurrente que posent les intellectuels, tourmentés par l'immédiateté et le formatage généralisé que la technologie impose dans notre paysage néo-libéral. La lecture de ces deux textes offre -ce n'est pas si courant- une occasion de penser autrement notre société, autour des enjeux fondamentaux que sont l'autre, sa parole, la rencontre et l'être au monde. Dans la réflexion des deux auteurs, qu'il s'agisse de la folie ou de la liberté, le sujet est central. Comme la place qu'il occupe ou qui lui est assignée selon les époques dans une société qui pour Roland Gori le réduit "à un segment de population statistique". La Technique (la roue comme le numérique) qui désormais "saisit le vivant", qui est autant remède que poison, est bien utile au marché et aux pouvoirs de toute nature. Ses avatars que sont l'algorithme et l'évaluation (cette "fabrique de servitude volontaire") permettent une mise en case simplificatrice et systémique des individus. A l'instar de ce que fait en psychiatrie le DSM, l'outil américain d'une classification des troubles mentaux toujours plus poussée dans la multiplication des symptômes. Un diagnostic coûte que coûte plutôt que la clinique, son humanité et son incertitude! Cette tendance lourde prélude à un nouvel ordre qui nous concerne tous et qui est étranger à cette "démocratie qui oblige" un sujet libre et responsable de ce qu'il dit et fait. Et Roland Gori, professeur de psychopathologie clinique à l'université de Marseille, grand lecteur de Henrik Stangerup (L'homme qui voulait être coupable) ou de Hannah Arendt (De la révolution), de Camus ou de Simondon a beau jeu de rappeler que la culpabilité et la dette sont fondatrices du lien social.
Peut-on être esclave et heureux ? Le dernier livre de Roland Gori, dont le titre nous confronte à une interrogation que nous ne saurions éluder, nous amène à réfléchir à un certain nombre de questions, au carrefour du politique, de l'anthropologique, du psychique et du social. Sans entrer dans les détails, j'en donnerai au moins deux : d'une part, l'importance, l'omniprésence de la technique, des automatismes, des procédures, des protocoles dans nos vies et nos métiers. D'autre partle fond de culpabilité et d'angoisse propre au lien social et à la liberté, à notre liberté, celle qui résulte de l'absence de garantie quand à notre engagement comme sujet de nos actes. Un lien entre les deux existe : pour ne pas avoir à affronter le risque, l'incertitude, le doute, la culpabilité inhérente à nos actes, l'idéologie gestionnaire, le calcul, l'automatisation des procédures viennent à point nommé pour ne rien engager de nous-même dans ce que nous faisons et ce que nous pensons. C'est le cas dans le champ de la psychiatrie, par exemple. Avec les dernières versions du DSM, l'entretien, le diagnostic, la clinique elle-même, se réduisent de plus en plus à une procédure de codage, ignorant complètement ce qui fait la spécificité de l'humain et de ses souffrances. La narrativité du récit clinique, seule à même de restituer la complexité de la psychopathologie, laisse place au formalisme des critères statistiques, des items à cocher, et des échelles quantifiant le niveau de dépression comme on mesure la température d'un individu. Qui plus est, il ne s'agit pas de coder dans n'importe quel sens. Ce dont il est question, en réalité, c'est de l'extension infinie d'un système de contrôle et de normalisation des conduites, en lieu et place d'une interrogation sur le sens et la signification des symptômes. Ainsi, les normes liées aux performances, aux compétences, aux « habiletés sociales », ne font pas que réduire le malade à la somme de ses comportements, elles en font un « handicapé psychique ». Le symptôme n'est plus à entendre, mais à rééduquer, à normaliser. Il s'agit, au fond, de coder pour ne plus avoir à décoder. Mais c'est plus largement, et pas seulement dans le champ de la psychopathologie, que Roland Gori nous invite à porter l'analyse. L'extension du paradigme techniciste, en robotisant nos existences et notre intimité, en faisant de la vie elle-même un programme d'éducation thérapeutique, transforme chacun d'entre nous en un handicapé existentiel, s'évaluant lui-même en permanence, qu'il le sache ou pas, et se réifiant ipso facto comme objet même de cette auto-évaluation. Les promesses de bonheur véhiculées par un discours social réduisant les questions politiques à des problèmes techniques ne sont pas sans effet sur les individus, en tant que sujets politiques et anthropologiques. Il ne s'agit pas seulement de séduire les foules pour se faire élire ou ré-élire, ou pour consommer plus. Il ne s'agit pas non plus de dénoncer stérilement l'individualisme contemporain. Non, tout cela a des racines beaucoup plus profondes : il y a là une véritable incitation à abandonner la liberté politique, en rabattant la question du bonheur dans la sphère privée au lieu de la maintenir au niveau politique, celui du bien commun. Le bonheur privé n'est pas à mépriser, bien entendu. Mais pris comme horizon politique au détriment du bonheur commun, c'est la spécificité du politique elle-même qui se perd, au profit d'une expertise généralisée de nos « affaires domestiques » (pour paraphraser Benjamin Constant). En se conformant aux discours promettant le bonheur par le respect des procédures, des comptes et des décomptes, l'angoisse et la culpabilité propres à toute position de liberté trouvent donc un soulagement immédiat dans tous ces dispositifs de servitude volontaire.En s'appuyant sur Freud, Roland Gori nous rappelle alors que la culpabilité inconsciente est consubstantielle au lien social et que toute pratique sociale prétendant faire l'économie de l'angoisse sociale ne peut que conduire, sur le plan subjectif et anthropologique, à une impasse en aliénant chacun à sa propre sécurité. Pour le dire autrement, si la technique libère l'homme, cela n'est vrai qu'en partie, car lorsqu'elle devient norme des pensées et des conduites, elle finit par libérer l'homme...de sa propre liberté. Là où le progrès technique devrait libérer l'homme en lui donnant le temps d'exister comme sujet politique, cette même technique risque en réalité de produire l'inverse : sa propre dépolitisation. C'est ici que l'on saisit, avec Roland Gori, que la liberté en question n'est pas une liberté égoïste, préservant son seul espace en se désintéressant d'autrui. Pour chacun, la liberté est exigeante, elle oblige, et pas seulement en tant que sujet individuel, mais en tant que sujet politique, qui ne nie pas la dette qu'il contracte depuis toujours avec ses frères d'humanité. Liberté et lien social vont décidément ensemble, du même pas. Et ce n'est sans doute pas par hasard si ce livre paraît dans cette maison d'édition dont le nom résonne tellement avec ce qui y est développé. Fabrice Leroy 1« Faut il renoncer à la liberté pour être heureux ? », Roland Gori, Editions Les Liens qui Libèrent
<p> L&#39;association &quot;Les P&acirc;tes au beurre&quot; invite Roland Gori <u><strong>le 27 f&eacute;vrier au Centre de communication de l&#39;Ouest, tour Bretagne &agrave; Nantes, &agrave; 19h30</strong></u>. Participation non obligatoire de 10 euros au profit de l&#39;association qui &oelig;uvre pour le soutien psychologique aux familles et la pr&eacute;vention de la sant&eacute; psychique. Inscriptions au 02 40 16 06 52.</p>
<p> <u><strong>http://www.liberation.fr/livres/2014/02/05/insoumission-accomplie_978129</strong></u></p> <p> &nbsp;</p> <p> Si <em>la Fabrique des imposteurs </em>d&eacute;nouait les m&eacute;canismes qui nous portent &agrave; devenir des lapins cr&eacute;tins, <em>Faut-il renoncer &agrave; la libert&eacute; pour &ecirc;tre heureux ? </em>interroge, et c&rsquo;est la richesse du travail de Roland Gori, d&rsquo;un point de vue &agrave; la fois sociologique et psychanalytique le go&ucirc;t d&rsquo;&ecirc;tre un hamster. Comme on sait que le n&eacute;vros&eacute; trouve son compte &agrave; sa n&eacute;vrose, on est en droit de se demander &agrave; <em>&laquo;quelle &eacute;conomie psychique&raquo;</em> la tutelle de l&rsquo;&eacute;conomie lib&eacute;rale r&eacute;pond, &agrave; quel type de b&eacute;n&eacute;fice elle ouvre.</p> <p> &nbsp;</p> <p style=""> L&rsquo;hypoth&egrave;se de Roland Gori est que le renoncement &agrave; la libert&eacute; cr&eacute;atrice au profit d&rsquo;une soumission l&eacute;nifiante correspond au <em>&laquo;d&eacute;clin de la loi, &agrave; la crise du r&eacute;cit et de l&rsquo;exp&eacute;rience&raquo;.</em> On pourrait en d&eacute;duire h&acirc;tivement que Gori appelle de ses v&oelig;ux une restauration de l&rsquo;autorit&eacute;. Au contraire. Sa d&eacute;monstration est plus complexe. S&rsquo;il reconna&icirc;t que, dans notre servitude volontaire, il existe paresse, gr&eacute;garisme et besoin d&rsquo;illusion <em>(&laquo;les illusions du profit et de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t&raquo;),</em> ce qui domine c&rsquo;est surtout l&rsquo;angoisse : <em>&laquo;Angoisse devant cette b&eacute;ance du </em>r&eacute;el <em>sur lequel l&rsquo;autorit&eacute; jette son voile, autorit&eacute; qui manque cruellement aujourd&rsquo;hui pour affronter l&rsquo;avenir.&raquo;</em> Mais, nous apprend le Freud de <em>Totem et tabou,</em> cette autorit&eacute; est aussi celle &agrave; laquelle notre rapport conflictuel peut &ecirc;tre sublim&eacute; en fraternit&eacute;. C&rsquo;est donc moins d&rsquo;autorit&eacute; que nous manquons que de l&rsquo;autorit&eacute; en tant qu&rsquo;elle s&rsquo;est transform&eacute;e en responsabilit&eacute; politique devant autrui, <em>&laquo;la fameuse &quot;amiti&eacute;&quot; ch&egrave;re &agrave; La&nbsp;Bo&eacute;tie&raquo;.</em></p> <p style=""> &nbsp;</p> <p style=""> Or notre culture n&eacute;olib&eacute;rale est marqu&eacute;e par le <em>&laquo;d&eacute;saveu de l&rsquo;Autre&raquo;</em> et <em>&laquo;le d&eacute;saveu de la fonction de cr&eacute;ation de la parole&raquo;,</em> dont un sympt&ocirc;me est que nous sommes tous, &agrave; l&rsquo;&egrave;re du&nbsp;2.0, <em>&laquo;boulimiques des&nbsp;autres&raquo;,</em> mais d&rsquo;autres sans <em>rapport. </em>D&rsquo;<em>&laquo;amiti&eacute;&raquo;</em> dans l&rsquo;existence sociale, que pouic. Reprenant une remarque de David Graeber&nbsp;(1) sur la parent&eacute; germanique des mots &laquo;libre&raquo; et &laquo;ami&raquo; <em>(freie </em>et <em>Freund),</em> Roland Gori montre comment la libert&eacute; ne peut pas &ecirc;tre minimale, mais comment, au contraire, elle engage &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;autre et <em>&laquo;concr&eacute;tise le rapport &agrave; la promesse et la dette&raquo;</em>&nbsp;(2).</p>