Lundi Matin, on avait tout reçu pour le matériel caméra, dont la dernière arrivée, une sorte d’épaulière pour gagner en stabilité lors de la prise de vue.

C’était hier matin. Je suis aussi allée chercher une batterie supplémentaire.
On a également reçu quelques cartes mémoires SDHC car la vidéo HD, ça prend de la place, beaucoup de place. Non pas de la pellicule argentique, mais des bits, des bytes et des mégaoctets et même plutôt 2 To, volume à peu près de nos rushes à venir (j’ai un peu de place sur mon ordinateur au cas où).
J’ai également reçu une rycote autrement appelé « chien » ou encore « deadcat ». C’est une sorte de bonnette à poils pour le micro, afin de pouvoir prendre du son en plein vent (sans exagérer).
Je tiens d’ailleurs à remercier ceux qui m’ont accompagnée dans ce lent chemin vers l’équipement, qu’ils lisent ou non ce message.
Le départ approche. Pour ma part, cela fait longtemps que je n’ai pas voyagé, si bien que l’idée même de voyage, qui m’a toujours été étrangère, me rappelle néanmoins à quelques faits concrets : prendre l’avion 24 heures, aller dans un pays dont je ne connais pas la langue, et sur un continent qui ne connaît pas mes pieds fragiles.
Si je n’ai aucune « hâte » du point de vue du « voyage » car comme Deleuze je crois aux vitesses infinies et aux voyages immobiles, une chose mérite cependant d’être précisée : je vais en Bolivie un peu pour « allez voir » si ce que Colette raconte est vrai, pour ce qu’on pourrait appeler « vérifier ». Voir comment est la Place San Francisco où cire Alecks, voir un match de foot entre cireurs, voir comment Colette s’en sort avec l’enquête. Il s’agit de « voir » ce qui a déjà été « vu ». Et là, je me sens comme Serge Daney, ainsi que l’a si bien décrit Deleuze dans un de ses textes. Il dit du critique des Cahiers du cinéma : « Il fallait que vous alliez ‘’y voir’’ » et même « aller voir Kurosawa au Japon et vérifier comment le vent japonais gonfle les bannières de Ran ». Mais « il n’y a pas de vent ce jour-là », et Daney constate alors « de misérables éoliennes qui vont en tenir lieu, et, miracle, qui vont apporter à l’image ce supplément intérieur indestructible, bref, cette beauté ou cette pensée que l’image ne conserve que parce qu’elles n’existent que dans l’image, parce que l’image les a crées ».
Daney, lui, vérifie « que le monde fait bien du cinéma ». Oui, ça pourrait être ça. Mais plus que de voir si le cinéma « existe » dans le monde réel, moi, je me dis plutôt que je vais « saisir » le monde réel dans un film. Un des enjeux étant de trouver cette poésie du réel (les éoliennes à la place du drapeau au vent) mais aussi les points de vue de chacun sur ce dernier.
Amélie.
Vous pouvez lire le texte « Optimisme, Pessimisme et Voyage » consacré à Serge Daney dans Gilles Deleuze, Pourparlers, Les Editions de Minuit, Paris, 1990/2003.