Filer les Tangentes
Filer Les Tangentes est une performance artistique à vélo. Elle tourne dans une boucle drapeauïde à travers un espace aux frontières invisibles. Ce parcours cherche les rencontres et les inspirations au premier quart d’un siècle qui sera bouleversements. Il plonge dans les racines, reproduit des routes anciennes, d'un début des migrations de l'homme, jusqu'à leur fin, jusqu’à ses robots intelligents, jusqu’à sa fin. Je n’ai encore ni réponse ni point d’arrivée, sinon un retour à mes racines dans le pays des châteaux et d’une époque où prenait germe la révolution des énergies. Filer les tangentes durera de deux mois et demi, de mi-juin à fin aôut 2023, pour une distance de 5000 kilomètres. Jusqu'à il y a deux cents ans, on traversait l’Europe pour lire d’autres histoires, pour rencontrer de nouvelles techniques, voire des pratiques avec d’autres couleurs. On expérimentait les sens. Dans un temps pour s’imprégner, réfléchir, penser, écrire. Je veux voir si, comme Erasme, Zweig, Dürer, van Eyck, Vermeer ou Vinci, Goethe ou Van Gogh, on peut encore aller dans quelques villes, rencontrer quelques amis artistes, savants, chercheurs, inventeurs ou poètes. Je prends la route pour voir si on peut traverser quelques plaines, fleuves et montagnes. Je monte sur le vélo pour savoir si la découverte peut être au coin de la route. Si en traversant des pays voisins on peut rencontrer d’autres couleurs. Aujourd’hui on arrive, on instagrame et on retourne. L’intelligence est artificielle. La spirale des pot-au-feux, la révolution des courtisans ? Un évènement estival, une série quotidienne Durant les 60 jours de route prévues, je publierai chaque jour, sur mon compte instagram (https://www.instagram.com/guillaumedimanche/), un texte poétique qui racontera ce voyage, les expériences affrontées, les paysages parcourrus, les rencontres humaines, animales et végétales. La performance sera un document sur ce parcours dans un climat peut-être déjà un peu hostile. La sécheresse est évidente dans le ciel, les sols et les sous-sols. Cette aventure cherchera des sources et des oasis tangibles à travers notre continent. J'espère trouver des refuges et des énergies qui réfléchissent et inventent des solutions dans les turbulences climatiques qui apparaissent et tournent autour de nous. Regarder et capter la vie, le vivant, l'échange, le plaisir, la joie. Un champ de grenouilles coassant. Il y en a encore, dans les petits cours d'eau et leurs abords humides et riches. Un champ un peu sauvage qui grouille des insectes qu'on écrase plus sur nos pare-brises. Il y en a encore, ils ont des fleurs sauvages au milieu et dans leurs abords. Ils nourrisent quelques oiseaux encore, qui connaissent ces réserves naturelles. Nous vivons tous ensemble et il faut trouver, filer ces liens, vivre et mourir avec. Parce qu'enfermés dans nos lunettes intelligentes et artificielles les sentiments moraux et spirituels, les sensations physiques sont feints et vains. Quel plaisir, quelle chance de prendre le temps. Le temps d'affronter, le temps de voir, le temps de sentir, le temps de parcourir, le temps de s'abandonner à la vie. Aujourd'hui encore on peut le faire. On peut prendre le train pendant deux ou quatre heures et finir sa route à pied ou à vélo pour rejoindre pendant deux heures ou deux jours. On aura fait un voyage. On aura été modeste et mesuré. On aura découvert et senti. On aura été vivant. Rangé, calibré, bientôt sur la machine pour 60 jours ! Le premier axe, au travers huit nations, sillonne le continent comme l'ont fait nos prédécesseurs, nos aïeuls, dans les siècles où les industries n’existaient pas, à un rythme qui permet le vrai voyage et la rencontre. À vélo, une journée 5 heures est 80 kilomètres. C’est déjà traverser et, souvent, changer de pays. Le second axe de ce travail est de me porter à la rencontre d’habitants, d’acteurs de l’environnement et des biodiversités. Il y a mille gestes, mille actions. Je vais engager un tissage de liens entre des styles d'une vie. Documenter l'humain dans son paysage. Chaque jour je publierai des instantanés en vidéos et en photographies, un texte poétique, qui poseront l'étape. Le 16 juin je pars pour València point de départ pour filer les tangentes à travers mon jardin, à vélo, en bicyclette. Depuis le Parc Naturel d'Albufera, nid du Pluvier à collier interrompu, oiseau migrateur européen, j'irai chercher un chemin. Je pars à la rencontre d'idées, de possibilités, de besoin, de soin, de chercheurs, d'agriculteurs qui pensent et font demain. Quelle nature ? Une autre révolution arrive-t'ell ? Le Chêne de 500 ans - forêt de Sénart Une note d’intention Faire le lien, relier. Tisser. Engager le corps. Engager l’individu. Engager l’ego. Comprendre l’alentour. Se poser au sol. Cheminer. Faire le lien, relier. Tisser. Dévoiler les tissus. Parcourir et montrer les couches. Documenter l’unicité complexe et évidente. À peine avons-nous construit un continent, il était déjà dépassé par nos outils. Trop de conflits ont dû empêcher le fonctionnement amoureux de notre union bicéphale. L’allemand reste le boche. Je ne sais pas qui je suis. Ils ne me l’ont jamais dit. Un grincheux sans discipline ? Si peu d’échange. Nous connaissons quelques nous de l’autre. Mais il en est toujours un autre. Nous portons chacun un imperméable de plus en plus étanche. Heureusement il y a des infiltrations. Quelques gouttes, quelques fissures. Pourquoi ne pas entrer et refaire ce lien d’avant les frontières tant regrettées pas Stephan Zweig ? De l’autoroute à l’aéroport nous avons oublié le voyage. Commençons à reprendre quelques balades, randonnées, expéditions, errances, alentours à un vrai rythme du corps, aidés par un joli outil, la bicyclette. Comprendre l’Europe des artistes et des écrivains, du Moyen-Âge jusqu’à la fin du XIXème siècle. Engager une boucle, dessiner un drapeau, un chiffon. Sur cette route historique, de Valence à Delft, de Salzbourg à Florence et du Vercors à Chambord, relire l’histoire de la culture. Et trouver aussi sur ce chemin de Paris à Cologne, Turin et Grenoble, la culture de la low tech, un autre pendant de la recherche de l’humanité. Soixante-quinze étapes pour expérimenter la poésie de la rencontre et de la présence de l’autre. Est-il là réellement ? Encore visible en quelques endroits ou est-il déjà et uniquement remplacé par une vignette d’écran Zoom ou une image IA, inventé par un robot pour répondre aux normes de la contrainte de beauté et plaire toujours ? Est-il déjà complètement sous le contrôle de quelques étudiants américains, pas cools et pas jeunes. Leonardo da Vinci travaillait dans ses inventions diverses et toujours à relier les fluides de l’imagination. Tout son travail n’est que synthèses pour révéler les proximités de la pensée, de la poésie, de l’écriture des sciences, des processus de création et des processus naturels. L’homme n’invente rien que les lois de la chimie et de la physique n’ont déjà montré depuis la naissance infinie des univers. Ce ne sera que dans l’observation aigüe et profonde du monde, dans la manipulation de tout élément naturel que, comme dans un travail de chlorophylle frottée sur un drap de Giuseppe Penone, nous tirons de la sève et du pigment, les conditions de la création. C’est dans le chemin que s’engendre le poème. Je le prends. Je le rejoindrai. Je l’écrirai. Trouver des liens amicaux et vivants Retourner sur les bords de la Loire qui ont vu travailler un des plus grands génie de l’humanité, après avoir tourné en rond en Europe. Après avoir rencontré. Après avoir enregistré des portraits, des paysages. Après avoir écrit des récits poétiques. Après avoir touché. Après avoir été touché. Retourner sur le bord de ce fleuve encore vivant, c’est rentrer avec un fil de pensées d’artisans, d’ingénieurs, de paysans, d’artistes, qui sont, chacun, quelques fragments de temps après le début de la Renaissance, aujourd’hui, autant d’inventeurs de la poésie que le génie du parachute et de La Joconde. La proximité digitale est une « positivité morte» - (Byung-Chul HAN, “De la poignée de main”, Socialter – Pour un tournant radical, p. 139). Partir et rouler, rouler et trouver, pour sortir des relations digitales, hors du temps et des distances. C’est chercher la proximité annihilée par les écrans dans nos mains. Le développement des grands moyens de communication numérique nous fait miroiter un bonheur optimisé et radieux. Celui qui est en expérimentation pour les moins cadres, les moins ingénieurs, les bas potentiels, le bonheur des relations distanciées et des voyages virtuels. Les services sont devenus des marchés de compétitions. La poste ne délivre plus de courrier. Les amphithéâtres des universités sont des espaces vides. Les trains ne sont accessibles qu’avec un appareil digital et intelligent. Les soins médicaux sont opérés par un logiciel. L’artiste, ni le philosophe, ni le poète ne sont plus nécessaires puisque les robots, les IAs inventent, écrivent, conceptualisent, créent. Les contacts directs et même virtuels entre les individus sont obsolètes et inutiles. Nous nous souvenons bien des activités inutiles. Le printemps de 2021 n’est pas loin encore et pourtant nous ne savons déjà plus quand, ni vraiment s’il a eu lieu. Nous avons tous été volontairement internés confinés. Depuis, le tout nouveau normal prend sa forme sans rejet et à peine quelques vomissements muraux contestataires. Les décisions de pilotage sont tellement complexes et demandent tellement de remises en cause. On peut facilement se représenter que nous sommes, tous ensemble, dans ce siècle de globalisation générale, comme ce navire en pleine nuit et à pleine vitesse, il y a cent onze ans à l’approche de l’iceberg. On peut même croire que nous l’avons déjà touché. Alors, les chefs de bords, obtus et effrayés, ferment les portes et les issues de secours. Ils continuent, bornés (les noms ne sont certainement pas anodins), parlent de poésies apprises par coeur, sans esprit sensible sinon un air donné, et continuent leur ouvrage.