L'art de résister

Pour un tournage non convenu et impertinent qui rende hommage à Claude Cahun et Suzanne Malherbe, artistes méconnues, résistantes ignorées.

Visuel du projet L'art de résister
Réussi
89
Contributions
25/03/2022
Date de fin
12 115 €
Sur 11 500 €
105 %

L'art de résister

Ce ne serait pas la première fois que j'aurais mis vingt ans (sinon plus) à faire un film). "Échangeriez-vous votre voiture contre deux trabant ?", "La forme des îles", "Théâtre du Radeau, triptyque "... n'ont pas fait exception. Impécuniosité congénitale ? Gestation sans fin de mamouth...?? "L'art de résister" ne déroge pas à cette soumission au temps long. Le projet, quand on a bien voulu y répondre, a parfois été jugé extrêmement étonnant (trop de toute façon...). Il est même arrivé qu'une commission plutôt bien intentionnée invite à sa réécriture pour lui donner une chance d'arriver en plénière...sauf que c'est bien ce projet-là que nous voulons tourner, et pas un autre, fût-il susceptible de faire davantage consensus... Mais pourquoi me permettre précisément aujourd'hui de vous solliciter ? Parce que le film vient enfin de s'incarner grâce à l'évidence aussi récente qu'inespérée de ses interprètes. Tant que ces deux personnages, la photographe et la dessinatrice, demeuraient sans visage, sans voix, sans expression, le projet lui-même restait une chimère...La rencontre de Karin Oberndorfer et de Zoé vient d'en décider autrement. L'accueil que l'une comme l'autre ont réservé au scénario nous ont très vite décidé à tourner les deux premières scènes afin que tout le projet soit éclairé de leur présence. C'est ce que révèle la vidéo qui accompagne cette présentation. C'est aussi ce tout premier tournage qui m'a convaincu que l'on pouvait, que l'on devait, aller plus loin sur le chemin du film. C'est tout l'espoir de cette collecte, non pas évidemment prétendre ainsi faire ce film en six jours, mais simplement qu'elle puisse en rendre le processus irréversible. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Ou plutôt de qui ? De Claude Cahun et de Suzanne Malherbe. Claude Cahun (1894-1954) doit aujourd'hui sa notoriété au remarquable travail de François Leperlier qui a non seulement permis de redécouvrir la photographe singulière, dont toutes les photos n'étaient cependant pas restées inconnues, mais surtout de découvrir véritablement l'auteure d'un certain nombre de textes publiés de son vivant ou demeurés dans les malles d'un brocanteur. S'agissant de la photographie, de grandes expositions lui ont été consacrées en France et à l'étranger depuis les années 90 et plus récemment au Jeu de Paume en 2011. Cependant l'ambition première de Claude Cahun était bien l'écriture, elle n'envisageait la photographie que comme un outil d'expérimentation personnel qu'elle ne cherchait pas nécessairement à transmettre ou à faire connaître. Le flm se propose de chercher Claude Cahun, de son vrai nom Lucy Schwob, et sa compagne Suzanne Malherbe (Marcel Moore), à Jersey. Les deux Nantaises s’installent à Jersey en 1937 dans une maison non loin de la mer, la Rocquaise. Là, elles recevront des visiteurs comme Henri Michaux ou Jacqueline André-Breton. Mais, en 1940, il ne s’agit plus du tout des mêmes visiteurs. Les soldats allemands ont investi les îles de la Manche qu’ils entreprennent de transformer en forteresses en utlisant comme esclaves des jeunes gens raflés en Russie, Ukraine, Pologne ou ailleurs. Claude Cahun et Suzanne Malherbe auraient pu rejoindre l’Angleterre. Elles vont choisir de faire face et vont de surcroît passer à l’offensive, non pas avec des bombes, mais avec une arme redoutée par l’ennemi, la démoralisation. En signant leurs tracts « le soldat sans nom » elles les confient quelques fois au hasard sur des cartouches de cigarettes, mais ciblent également les revues allemandes dans les librairies et dans les églises jusqu’aux missels des soldats catholiques. « Enfin pour lui la guerre est terminée ». Elles iront jusqu’à déposer des croix avec cette épitaphe sur les tombes des soldats allemands décédés (certains avaient été torpillés en mer- d’autres étaient morts en «touristes ») et enterrés dans le petit cimetière jouxtant leur maison, suscitant ainsi une grande agitation chez l’occupant. Paradoxalement, la proximité de leur maison qui rendait le coup encore plus risqué détourna les soupçons. Mais elles seront tout de même arrêtées, suite à une dénonciation, en juillet 1944. Elles furent condamnées à mort, leur « crime » étant jugé bien plus grave qu’un acte de terrorisme dont on aurait pu précisément mesurer les dégâts. Les effets de leur entreprise de démoralisation n’étaient pas mesurables. Comme pour illustrer ce point de vue, l’attentat du siège de la Gestapo à Jersey fut d’ailleurs le fait d’un Allemand. La sentence, sans doute du fait de l’imminence de la libération, ne sera cependant pas exécutée Les interrogatoires s’étaient prolongés, car la Gestapo ne pouvait croire qu’elles avaient agi seules et s’était obstinée à vouloir mettre la main sur un soi-disant réseau. Du coup, la progression des alliés ne permettait plus de les déporter. Quant à les exécuter sur place, cela devenait chaque jour moins prudent pour des nazis désireux de ne plus offenser l’avenir. Les seules exécutions qui eurent lieu dans la prison de Claude Cahun et Suzanne Malherbe jusqu’à la libération furent celles de soldats allemands. Claude Cahun ne se remettra cependant jamais de sa détention. On a peine à imaginer la guerre à Jersey tant elle y est déplacée, à la fois ridicule et monstrueuse, en fait grotesque, comme à chaque fois que la géographie a raison de l'Histoire et pourtant cette guerre dans ce monde miniature, avec son cortège de collaborations roublardes et de délations sinistres, n'allait omettre aucune réplique de sa tragédie et même ajouter, là où on l'attendait le moins, une dimension héroïque au ramassage de déchets destinés à un recyclage périlleux. Comment résister dans un mouchoir de poche où l'occupant est deux fois plus nombreux et quand on n'a pour seules armes que des images et des mots ? Et bien précisément ces mots et ces images seront des armes, mais ce ne seront pas leurs propres mots et leurs propres images qu'utiliseront les deux femmes (hormis quelques dessins de Suzanne Malherbe), ce seront ceux de l'ennemi qu'elles lui renverront au visage comme un boomerang. Il est singulier de constater que Claude Cahun dont l'œuvre photographique procède surtout de l'autoportrait et dont l'écriture est profondément narcissique (narcissisme cruel et douloureux comme le serait celui d'un chirurgien qui se disséquerait à l'infini sans jamais parvenir à se recoudre) a cette fois utilisé le miroir comme une arme absolue. Ce sont les propres slogans de l'ennemi qui lui sont retournés, ce sont ses propres images de propagande qui, en lui étant renvoyées, contredisent et dénoncent cette propagande. L'une des ambitions du flm sera de reproduire, d'après les indications laissées par Claude Cahun, leur « arsenal », et selon le cas, en relisant les journaux de l'époque, d'imaginer des détournements d'images auxquels elles auraient pu songer. C'est ce récit, commencé à la veille de l'arrivée des Allemands sur l'île et se concluant à la libération, récit construit à partir de différents textes de Claude Cahun, principalement deux longues lettres adressées à des amis, qui constituera le cheminement du film. Ce récit sera généralement en voix off, mais il pourra être repris par différentes personnes ou véritablement interprété par le personnage de la photographe. ©Martine Amalvict Elles seront ainsi deux personnages, la photographe et la dessinatrice. La photographe sera la figure d'une admiratrice venue à Jersey pour rendre hommage aux deux artistes entrées en résistance, et ayant imaginé pour cela une exposition sauvage et éphémère (textes, photos et fac-similés) sur et devant le mur antichar de la plus grande baie de l'île convertie en espace de happening le temps du film. Elle fera donc réellement des photos en ayant également la possibilité d'utiliser son boîtier sur le mode caméra. Comme son nom l'indique, la dessinatrice doit pouvoir réaliser pour la caméra plusieurs esquisses à la fois des visiteurs dans le cimetière de Saint-Brelade et, directement sur la plage, imaginer les figures des soldats allemands fusillés. Sa méconnaissance a priori du sujet sera compensée par une réelle curiosité susceptible de prolonger certains dialogues. L'autre trame du flm sera tissée par les photographies de Claude Cahun, d'abord présentées de façon classique dans le cadre d'un musée, mais presque aussitôt rebattues comme les cartes d'un jeu pour tenter, à partir de plusieurs autoportraits de l'artiste s'enchaînant chrono-logiquement et de plus en plus rapidement, d'esquisser un autoportrait suprême et unique de Claude Cahun. Ensuite d'autres photos jalonneront le film en toute autonomie comme des événements imprévisibles, des articulations surprenantes, des ruptures qui tiendront lieu de liaisons paradoxales. Enfin les photos devenues affiches placardées sur le mur antichar de cauchemar offriront à l'artiste une revanche posthume à la fois éphémère en tant qu'exposition, mais aussi durable dans sa dimension cinématographique comme un prolongement possible de ses rêves. Comme le soldat sans nom, les deux interprètes du film sont anonymes et n'existent pas en dehors de leur hommage qui mêle étroitement la révélation de l'artiste et de la résistante, hommage qui s'accompagne également d'une pointe de provocation envers un paradis fiscal parfois enclin à cultiver certaines formes d'amnésie. Le film aura donc aussi en ce sens un caractère expérimental quant à la réception réservée localement, précisément à cette pointe de provocation que peut constituer la distribution d'un tract reprenant une citation peu aimable extraite de The book of Ebenezer Le Page qui voit la collaboration de certains insulaires durant l'occupaton et son impunité, pour ne pas dire son révoltant profit, comme le préalable d'une législation à venir toute entière dévouée au veau d'or et à l'amnésie fiscale. ©Martine Amalvict Extraits du scénario Extrait 1 La photographe (voix off): Sur cette page une photographie de régiment en marche. Ça avait l’air plein d’ardeur. Je la tournai en tous sens. Je m’aperçus qu’il suffisait de cacher la moitié de la photo pour changer complètement l’impression qu’elle donnait. Les jambes, les bottes, (sans les visages) n’avaient rien, rien qui put sembler exaltant. Elles étaient tachées de boue (il faut croire qu’il y en avait tout de même eu parfois dans ce printemps ultrasec) et, isolées du reste, fatiguées à l’extrême. Je coupai soigneusement la photo. En sortant du cimetière, La photographe suspend un feuillet imprimé de taille A5 à l'entrée. For myself, I cannot get the idea out of my head that, after the Liberation, Guernesey had a chance of starting afresh it can never have again ; but for some reason, it took the wrong turning, even if it didn't go downhill as fast and as willingly as Jersey. Quant à moi, je ne me sortirai pas de la tête qu'après la Libération, Guernesey a eu une chance qu'elle n'aura plus jamais de repartir à zéro ; mais, pour je ne sais quelle raison, elle a viré dans le mauvais sens, même si elle n'a pas dégringolé la pente aussi vite et aussi volontiers que Jersey. THE BOOK OF EBENEZER LE PAGE G.B. Edwards La dessinatrice : Qu'est-ce c'est ? La photographe : « Le livre d'Ebenezer Le Page », « Sarnia » dans l'édition française de Maurice Nadeau, un chef d'œuvre posthume de GB Edwards, natif de Guernesey, dont beaucoup de gens n'ont jamais entendu parler ni à Guernesey, ni a fortiori à Jersey. Les deux femmes échangent en regagnant l'hôtel. La dessinatrice : Faute d'un enfer nazi, tu veux t'en prendre au paradis fiscal ? La photographe : Ce qu'Edwards fait dire à son personnage, c'est que la prospérité des îles anglo-normandes découle directement de l'occupation, des notables venus d'Angleterre, des affaires des îles organisées sur une base commerciale « saine » et surtout de tous ceux devenus riches de milliers de marks gagnés au service des Allemands sur le dos des insulaires et qu'ils ont pu changer en bonnes livres anglaises à un taux d'échange plus qu'intéressant. Ce sont les mêmes qui ont bientôt été nommés président de tel ou tel comité. Les paradis fiscaux de Jersey et Guernesey sont nés du même pêché originel : la collaboration. La dessinatrice : Et tu penses qu'en placardant un tract à l'entrée d'un cimetière... ? La photographe : Je voudrais qu'on en mette un peu partout, simplement pour savoir si la simple lecture de cette citation est à même de susciter des réactions et lesquelles ? Qui la lira ? Qui s'en étonnera ? Parvenir à choquer serait au moins la preuve qu'il reste ici un soupçon de mauvaise conscience, mais ça c'est presque inespéré. La dessinatrice : En être réduites à espérer un soupçon de mauvaise conscience... ©Martine Amalvict Extrait 2 L’aube. Sur le mur antichar cinq grandes affiches où le même texte est imprimé en anglais, en français, en allemand, en espagnol et en russe, et que les premiers promeneurs découvrent. Les estivants de différentes nationalités, après avoir accepté de se livrer au jeu, commencent à lire à voix haute et dans l’une ou l'autre des cinq langues cet extrait des lettres de Claude Cahun. Le principe est de faire lire les volontaires de tous âges le texte ainsi découpé dans la langue de leur choix. Cette séquence prendra au moins une journée, probablement davantage. Estivants : - Je me rappelle un jour de pluie en 42. Le mur était fini. – Les Allemands s’étaient décidés à combler le fossé puant. – J’espérais de la terre. Ils amenèrent du sable. – Celui de la plage. Ils le prélevaient par un système de grues et le déversaient du mur – couvrant , au moindre vent, tout le terrain d’une couche salée infertile. – Nos arbustes crevèrent un à un. – La tristesse aiguë était de voir les Russes qu’ils employaient maintenant à ces travaux. – Ce jour-là je m’étais jurée de parler à l’un d’entre eux, remarqué depuis qu’ils étaient là. – Avec grammaire, dictionnaire, leçon de Mrs Amstrong, j’avais écrit une ou deux phrases sur un papier, appris la prononciation. – Les Todt s’étaient un peu garés de la pluie. – Je mis mon imperméable et pour ne pas compromettre la maison, descendis par le sentier de falaise sur la plage même… –…où je savais que le Russe remarqué irait aussi dans une des phases de son travail. – J’avais dans ma poche une tablette de chocolat, ma ration de six mois. Je pensais que ça lui conviendrait… – et malgré ma faim je n’en avais plus envie du tout – ayant eu à la pharmacie un flacon de phosphore qui me soutenait bien mieux quand j’étais trop à plat. – Je parvins à joindre le Russe et lui donner la tablette mais non point à lui parler. Je rentrai. – Les Todt ce soir-là partirent les premiers avec le gros du contingent, laissant quelques traînards ranger les outils. – Le Russe était du nombre. – J’étais alors sur la pelouse et il me reconnut. – Edna avait par hasard des gâteaux. Je lui fis signe. – Mes phrases préparées furent un échec total. – Ce garçon était, autant que je pus deviner, Ukrainien. – Il me remerciait, les larmes aux yeux. – Suzanne avait descendu de petits cadeaux. Un grand mouchoir, une paire de chaussettes. – Les chaussettes n’étaient pas à nous – mais à Michaux ! qui les avait oubliées ici. – Il nous baisait les mains !... – Ce n’était pas du tout un geste permettant d’exprimer ce que j’avais voulu… – … Comment ne pas le vexer ? – Je mis à me laisser faire la meilleur grâce compatible avec mon manque absolu de féminité, – Puis lui secouai la main, prononçai le mot « Kamerad ! », le fit entrer dans la cuisine. – Edna, sur qui je comptais, réussit en effet bien mieux avec un charabia anglo-allemand qu’il comprenait à peu près, lui parlant un équivalent ukraino-allemand. – Ce qui restait clair c’est qu’il les détestait et savait les meilleures nouvelles et que nous aurions la victoire. – Il revint les jours suivants nous apportant des merveilles : du savon, du pétrole !! – Quelque temps plus tard, ces travaux étant finis, nombre de Russes furent ré-embarqués pour ailleurs. – J’imagine qu’il était du nombre… ne l’ayant jamais revu aux abords du camp. – Étant capable de manier les machines il semblait mieux traité par les Todt que d’autres. – Il a peut-être survécu. – Nous avons vu des Russes mourant au milieu de la grand-route. – Les Allemands passaient en auto sans s’arrêter. – Les Todt étaient absents. Des camarades des deux agonisants les chargèrent sur une brouette. – Je ne voyais qu’une chose immédiate pour aider. De l’alcool. Je n’en avais pas. – Je dus me contenter de pleurer – ou plutôt je ne pus m’en empêcher. – Ce fut la seule fois pendant l’occupation. Extrait 3 Devant le mur, trois vitrines de musée dans lesquelles se trouvent différents fac-similés des collages, dessins, inscriptions ou autres objets de contre-propagande imaginés par les deux Françaises. La photographe (voix off) : À peine un mois après notre arrestation, nous avions trouvé moyen d’établir des relations, de nous procurer des crayons, de correspondre à l’intérieur et hors de l’enceinte des prisons militaire et civile. Vers la fin du mois d’août nous avons ainsi reçu un des premiers numéros du journal Nachrichten für die Truppen, journal imprimé en Angleterre, jeté sur l’île par la R.A.F. la nuit précédente. Ce journal nous intéressait à titre personnel : il était en quelque sorte la consécration officielle…tardive… de notre initiative de 1940, de notre action indépendante. Il en était la relève. Devant le mur antichar transformé en galerie de portraits de Claude Cahun et derrière les vitrines de ce musée improvisée, la photographe, à la façon du discours officiel d'un vernissage, donc sonorisé, s'adresse à l'éventuel public que le hasard de la plage a pu réunir. Le procès dura cinq heures. Constatant que nous étions des femmes, ces êtres inférieurs ; que je n’étais pas même juive (selon la définition légale du National socialisme) ; que nous n’appartenions pas au parti communiste, que nous ne proclamions pas de théories sociales marxistes – ni anti-marxistes ; que nous ne nous réclamions ni de Staline, ni de Charles de Gaulle ; que nous avions à Jersey la réputation de bourgeoises paisibles, qu’il était impossible de nous faire passer à Jersey pour des « terroristes », que lors de notre arrestation – devant témoins jersiais – nous n‘avions fait aucune résistance ; que vis-à-vis d’eux-mêmes ce soir-là et au cours des interrogatoires, nous n’avions qu’une hostilité froide, exempte de toute violence émotive… ils y perdirent leur « aryen » : notre « idéalisme » passait leur conception cynique de l’espèce humaine. Cela piquait ce qui malgré tout subsistait en eux de curiosité psychologique. À Jersey, ils durent en fin de compte nous condamner sans croire à notre existence. En quelque sorte comme à regret. Le Conseil de guerre nous condamna à mort pour avoir fait une propagande susceptible de saper le moral des forces allemandes. Les agents de la Gestapo cherchaient, disaient-ils, depuis plus de trois ans la machine à écrire, les autres matériaux et les personnes capables d’en faire usage. L’Oberst Sarmsen nous accusa d’être des « francs-tireurs » (il se servit de l’expression française), disant que nous avions usé d’armes spirituelles au lieu d’armes à feu, ce qui, selon lui, était plus grave, car avec des armes à feu on pouvait aussitôt mesurer le dommage causé, tandis qu’avec des armes spirituelles on ne savait jusqu’où il pouvait s’étendre… L’Oberst Sarmsen précisa qu’il considérait que nous avions agi en patriotes et qu’à titre personnel il ne nous blâmait aucunement. Le Conseil de guerre nous condamna donc à être fusillées ; il nous condamnait en outre, pour n’avoir pas livré notre radio, nos revolvers, et notre appareil photographique, à six ans de travaux forcés et neuf mois de prison – et à la confiscation de tous nos biens. Cette dernière phrase en voix off : L’humour de ce dernier point du verdict du 16 novembre : dès le 25 juillet notre maison était pillée par les agents de la Gestapo. ©Martine Amalvict La mise en scène est pour une part classique : de courts dialogues écrits pour deux interprètes de façon à éclairer la biographie de Claude Cahun et de Suzanne Malberbe, les échanges ayant lieu alors qu'elle se font face ou qu'elles demeurent côte à côte. Mais son ambition repose avant tout sur certains dispositifs risqués en ce sens qu'ils font appel à la complicité du réel. Il s'agit d'abord du cimetière où reposent Claude Cahun et Suzanne Malherbe. Le tournage en ce lieu doit durer une journée entière avec trois caméras discrètes, l'intention étant de saisir d'éventuels visiteurs venus justement pour elles. Nous mettons en scène l'imprévisible et la chance, le hasard, la patience, le fait finalement de ne rien attendre de précis, peuvent permettre de capter au fil de toute une journée des situations justement inattendues justifiant a posteriori notre présence. Il ne s'agit pas cependant, dans le cas où nous aurions dérobé l'image de certaines personnes, d'en devenir les recéleurs et de nous dispenser de leur accord après-coup. Par contre pour les lecteurs du mur antichar polyglotte (extrait n°2) l'accord des promeneurs ou touristes sera nécessairement sollicité en amont. La quête polyphonique de cette séquence renvoie naturellement aux multiples langues de la souffrance qui s'afficheront là. Là encore c'est une séquence qui n'est pas gagnée et qui sera indépendante du tournage impliquant les deux comédiennes. On peut pour cela imaginer disons un certain temps...et aussi longtemps qu'il le faudra. Une scène de distribution de tracts autour du marché central ou celle du musée éphémère sur la plage (extrait n°3) ne susciteront peut-être aucune réaction, mais au moins en aurons-nous pris le risque, tout autant d'ailleurs celui de certaines réactions que celui de leur absence. Les photos de Claude Cahun sur le mur antichar, telles qu'elles apparaissent dans le scénario, seront rapidement auto-dégradables. Suivre le processus serait intéressant quant à savoir si les autorités le jugeront assez rapide. Il n'y aura pas trouble à l'ordre public, nous nous contenterions qu'il y ait trouble. Ce n'est pas que nous en voulions personnellement à ce paradis fiscal qui ne nous doit rien, c'est simplement que nous pensons que la mémoire de Claude Cahun et de Suzanne Malherbe le mérite. L'ÉQUIPAGE LA PHOTOGRAPHE : KARIN OBERNDORFER Comédienne, marionnettiste, danseuse, j’aime raconter des histoires, à travers le jeu et le texte, le geste et l’objet, sur scène de poche ou nationale, au musée, sur un bateau, dans le métro, devant un objectif de photographe ou cinéaste, en français, allemand, anglais... Ceux qui ont marqué mon parcours : Christian Barani « Le vent ailé » Payram « Nostalgia » Mireille Larroche « Zémire et Azor » Johanna Schneider « The last supper » Nina Companeez « Voici venir l’orage » Yannis Kokkos « The Bassarids » Natascha Rudolf « Bargfeld N° 37 » Chloé Serre « Show, don’t tell! » Patrick Viret « L’art de résister » LA DESSINATRICE : ZOÉ Graffeuse « écolo ! », j’agis depuis peu à visage découvert. J’écris sur les murs des villes et dans les clairières de montagne, je crie mes textes dans les festivals, quelques-uns de mes écrits sont parus en revue. Technicienne du spectacle vivant, j’ai soutenu des compagnies d’art de rue et de théâtre pour mon plus grand plaisir. Des ateliers avec Jason Turner (école Lecoq), Anna Rodriguez (Cie Maguy marin), la metteure en scène Marie-Josée Malis et le poète Charles Pennequin m’ont permis de renouer avec le métier d’acteur pour de petits rôles au théâtre et au cinéma sur les films de Fabienne Godet, Tom Geens, Arnaud Puertolas et des interventions en rue pour des lectures performances. L'IMAGE : BERTRAND LATOUCHE Chef-opérateur, étalonneur et depuis toujours cinéaste (Les œuvres vives, À la légère...), est-ce de vivre sur un bateau qui le rend si prompt à prendre le large ? LE SON : GRACIELA BARRAULT Depuis 1992, je vis de et pour le cinéma, polyvalente et curieuse des nouvelles technologies. J'ai une riche expérience dans le documentaire en France et à l’étranger, sans négliger mon intérêt pour la fiction. En alternance avec mon métier d’ingénieure du son ou mon domaine est celui de la prise du son tout terrain, j’ai aussi réalisé quelques films et conçu des projets transmédia. (Mr Priebke, un nazi en Argentine, Femmes, témoins dans une affaire d’État) L'ASSISTANTE-RÉALISATEUR : MARTINE RITZ Créatrice de costumes pour le théâtre, la danse, le cinéma... Elle-même comédienne, la richesse de sa palette, de la décoration au maquillage, rassure les tournages qui s'imposent comme des aventures...

À quoi servira la collecte

La collecte servira à financer 6 jours de tournage à Jersey de façon à tourner le plus de scènes possibles impliquant les deux actrices. L'équipe sera composée de six personnes. Les salaires (réalisateur non concerné) des deux actrices, du chef-opérateur, de l'ingénieure du son et de l'assistante-réalisateur sont estimés, à 6814 € + 3882 € de charges sociales. Se loger (3000 € incluant trois jours d'une chambre d'hôtel ayant vue sur la maison de Claude Cahun et Suzanne Malherbe) et se nourrir durant une semaine (1000 €) constituent la seconde dépense du tournage. La location du matériel de tournage (900 €) et le tirage de grandes affiches reproduisant textes et photos (800 €) sont le troisième poste du tournage. Enfin le déplacement depuis la France, la location d'un véhicule sur place, les assurances et les frais de régie complètent le devis estimé pour six jours de tournage sur l'île de Jersey. Dans l'hypothèse idéale où le montant de la collecte serait finalement dépassé, toute contribution supplémentaire participera à rendre possible l'extention du temps de tournage sur place. Précision importante : l'association étant éligible au mécénat déductible, toutes les contributions peuvent être défiscalisées.

Contreparties

10 €

  • 27 contributions
Votre nom au générique

Livraison estimée : juin 2023

Affiche cinéma du film

25 €

  • 13 contributions
Contrepartie précédente + Affiche cinéma du film

Livraison estimée : juin 2023

DVD du film

50 €

  • 28 contributions
Contreparties précédentes + DVD du film

Livraison estimée : juin 2023

Avant-première

100 €

  • 13 contributions
contreparties précédentes + invitation pour deux personnes au cocktail de l'avant-première

Livraison estimée : juin 2023

Écrits de Claude Cahun

200 €

  • 4 contributions
Contreparties précédentes + le livre des Écrits de Claude Cahun rassemblés par François Leperlier

Livraison estimée : juin 2023

Tirage photo de Claude Cahun

500 €

  • 2 contributions
Contreparties précédentes + tirage encadré d'une photo de Claude Cahun

Livraison estimée : juin 2023

Séjour à Jersey

1 000 €

  • 6 contributions
Contreparties précédentes + une journée à Jersey pour deux personnes incluant le voyage par bateau, le déjeuner sur place et la visite des lieux de tournage.

Livraison estimée : octobre 2023

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