Spirale

Spirale prend la forme d'un trajet intime explorant la bipolarité et le lien. À travers celui-ci, je vais rencontrer des hommes et des femmes souffrant de bipolarité mais aussi des proches, conjoints et enfants. L’objectif de ce film est d'écouter leurs paroles et d'avoir des échanges personnels selon la place que l’on a : d’un côté, le malade et de l’autre, l’entourage. Deux catégories qui me semblent trop éloignées, parfois même divisées. Est-ce à cause du manque de connaissance ? Est-ce la psychiatrie qui, sans le vouloir, creuse des fossés entre le malade et son entourage ? Ce film ne cherche pas de réponses. Son souhait majeur est de donner la parole à ceux qui en souffrent et à ceux qui gravitent comme des électrons autour, les proches. Spirale cristallise six mois de repérages à parcourir les routes, à me déplacer et à échanger. J'ai très vite voulu être sur le terrain, aller partout pour rencontrer. J'étais pressée de vivre ça parce que pour la première fois de ma vie, j'allais rencontrer des gens, hommes ou femmes en lien avec moi. Entre départ et arrivée, après une trentaine de visages rencontrés, ce sont Noémie, Sandra, Julien et trois sœurs : Romane, Agatha et Capucine que je vais rencontrer chez eux, dans leurs environnements. Il y a 20 ans, on m'annonçait la bipolarité de mon père et on me rassurait en m’informant qu’il était un ciel à lui tout seul. « Il existera des jours où le soleil brillera et des lendemains où les nuages envahiront tout l’espace . » Il y a 20 ans, ce mot a emmenagé dans mon vocabulaire. Il était très chargé, entre ses mains se trouvait un grand nombre de valises. De poids et de tailles différentes, elles m’accompagnent depuis ce jour. Je n'ai pas grandi avec la bipolarité mais j'étais juste à côté. Cette proximité a engendré énormement d'émotions diverses chez moi : l'incompréhension, la colère, la frustration, la peur, la solitude, la douleur. Après vingt ans, les émotions ne sont plus les mêmes. Place à l'acceptation, l'exploration, la découverte, la vie, la richesse de l'esprit, la bienveillance et la tolérance. Pour offrir du temps aux questions, celles que je ne suis jamais parvenue à poser, celles qui jusqu’à maintenant sont restées muettes, je me prépare à faire mes valises et je me dirige vers eux. Créer du lien Le premier pilier est le lien. Je désire unir les proches et les bipolaires. Pourquoi ? Cette quête de lien révèle l'insouciance que j'avais lorsque j'étais enfant. J’ai très difficilement vécu la division et le fait d’appartenir à une entité à part entière. J’ai souffert d’être incomprise des autres. J’ai été malheureuse d’être définie comme le camp adverse. J’ai traversé une longue période de combat, j’ai longtemps cru que le monstre à abattre était la bipolarité et cela générait une immense frustration de ne pas y parvenir. Aujourd’hui, le cœur du film est là, se nourrissant du lien et de la proximité des uns et des autres. Fuir l’isolement pour s’accrocher à la vie et à la maladie. Mettre la lumière sur ce qu'est cette maladie La bipolarité peut créer de l’isolement à cause du déni, des idées préconçues et des stéréotypes provenant du monde extérieur. Malheureusement ce déni accentue la décrédibilisation que peuvent ressentir l’entourage et le malade lui-même face à cette maladie. Spirale souhaite faire découvrir cette maladie à ceux qui ne la connaissent pas ou peu et leur permettre de la comprendre mieux. Ce projet accorde aussi une grande importance à insister sur la dangerosité de la maladie. Oui, elle est invisible mais elle existe. Rappeler la vie Le dernier pilier est la vie. Montrer que la fêlure, la fragilité émotionnelle et la différence ne condamnent pas le vivant. Spirale veut mettre en avant ce qu'il peut arriver de beau même dans les moments les plus difficiles. Perséverer et insister sur tout ce qu'il reste à faire plutôt que sur tout ce que je n'ai pas pu faire.