Extrait du mémoire « Approche d’art-thérapie auprès d’enfants-soldats démobilisés en République Démocratique du Congo »

présenté par Sarah Lévêque pour l’obtention du diplôme universitaire d’art-thérapie, 2006

La spécificité des enfants victimes des conflits armés

Certains enfants victimes de conflits armés développent des mécanismes de défense qui leurs permettent de se préserver psychiquement : la résilience.

La résilience est la capacité de sortir vainqueur d’une épreuve qui aurait pu être traumatique, avec une force renouvelée. Boris Cyrulnic définit, dans Un Merveilleux Malheur, la résilience comme « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comporte normalement le risque grave d’une issue négative ».

La résilience se réfère ainsi à un processus complexe émanant des interactions de l’individu avec son environnement. Cependant, B. Cyrulnic précise que pour qu’il y ait résilience, il faut qu’il y ait eu confrontation à un traumatisme, ce qui revient à dire que le traumatisme est l’agent de la résilience. La résilience est une capacité d’adaptation qui n’est jamais absolue. Elle peut être variable selon les circonstances, les histoires de vie, le temps. Elle se construit dans l’interaction d’une personne avec son entourage. Les deux composantes principales sont la résistance à la destruction et la capacité de se construire positivement. La résilience comporte implicitement une dimension éthique et se situe dans un contexte social et culturel.

Chaque individu possède une potentialité différente à la résilience, qui varie brusquement à l’occasion d’une circonstance donnée. Dans cette perspective, un même enfant peut être tantôt vulnérable, tantôt résilient suivant les circonstances. La résilience n’est pas constante et définitive et réside avant tout dans l’équilibre des forces. La résilience dépend des facteurs de protection dans l’environnement affectif et social. Ainsi, elle est différemment développée en fonction des étapes du développement psychologique, du cycle de vie et des circonstances environnementales.

Cependant, il y a un prix à payer pour le développement de la résilience. Des troubles psychologiques, voir psychopathologiques peuvent être associés à des comportements relevant de la résilience. B. Cyrulnic définit la résilience comme une capacité à « rebondir face aux coups » et non pas une « aptitude au bonheur ». L’oxymoron décrit ce contraste de celui qui, vivant un grand traumatisme, s’y adapte. « La partie de la personne qui a reçu le coup souffre, tandis qu’une autre, mieux protégée, encore saine mais plus secrète, rassemble avec l’énergie du désespoir, tout ce qui peut donner encore un peu de bonheur et de sens à vivre. » Dans cette perspective, les ressources latentes pourraient être activées et faire l’objet de stimulations et d’aides d’accompagnateurs extérieurs tel que peut être un animateur d’atelier d’expression artistique.

La pratique d’une activité artistique favorise la communication et la relation

La créativité est utilisée comme facteur de résilience.

Afin de survivre à leur maltraitance, les enfants victimes d’exclusion sociale ont mobilisé des mécanismes de défense qui encombrent l’expression de leur personnalité ou enrayent leur développement. Cette utilisation de moyens défensifs exige une dépense d’énergie psychique aux dépends d’autres fonctions psychologiques, telles que la verbalisation, l’imagination, la créativité, la symbolisation qui sont les éléments de défense du moi fondamentaux à la structuration de la pensée et prémices des processus mentaux de résilience.

Le champ d’application de l’animation d’ateliers artistiques est de favoriser la formation des mécanismes de résilience.

L’objectif général de ces ateliers s’appuie principalement sur les capacités pour l’enfant de trouver des ressources dans le réseau social.

Les méthodes et pratiques de développement des capacités de résilience concernent la stimulation des processus favorisant l’adaptation et l’autonomie chez l’enfant. Ces méthodes visent à travailler sur les processus individuels défensifs et l’estime de soi, d’encourager la réussite dans des domaines important pour le sujet, de travailler sur les potentiels sociaux et familiaux. L’utilisation d’activités artistiques va permettre d’exprimer librement, avec profondeur et sécurité psychique, les mémoires traumatiques et leur matériel inconscient sous forme de travaux ou d’exercices artistiques divers.

La créativité est l’un des facteurs qui aident à la résilience car en mettant en dessin, en musique, en théâtre, en chant, ce qui ne peut être exprimé par la parole, l’individu retrouve sa place dans le monde des humains.

Favoriser la créativité, c’est valoriser le jeu et le rêve, sortir du cadre logique de l’existence, voir les choses autrement, et être capable de les transformer. Suspendre le temps du sens, utiliser l’humour, savoir prendre du recul, lâcher prise, partir sur le chemin de la découverte, sont autant d’éléments pour faire face au stress, à l’angoisse, à l’agressivité.

Afin de favoriser les mécanismes de résilience, les techniques utilisées dans l’atelier artistique auront le souci d’introduire un nouveau point de vue, avoir la capacité de voir les choses autrement, et être capable de les transformer. L’intervenant en expression artistique accompagne l’enfant pour l’aider à la découverte et l’évolution dans l’œuvre, et favoriser l’intermodalité.

Pour favoriser ce processus, l’intervenant encouragera les décisions de groupe. Par exemple : la construction de l’atelier est réalisée par le groupe et pour le groupe. Le travail de groupe favorisera l’exploration des ressources socio-environnementales, en instaurant des méthodes d’aide à la fois éducative, sociale et thérapeutique. L’activité artistique va donner des possibilités aux enfants de développer des résistances face aux situations de l’adversité et favoriser les facteurs de résilience tel que l’estime de soi, le sentiment d’espoir et de confiance, l’autonomie, des capacités à combattre le stress, la sociabilité, une meilleure relation à l’autre et l’expression de ses émotions.

Art-thérapie et enfants victimes des conflits...