Au coeur de l'enquête

<p> <strong>Acte 1 La rencontre</strong></p> <p>  </p> <p> <strong>Juillet 2006. </strong>Je passe 24 heures à La Paz. 11h du matin, je suis abordée par un cireur, Alecksandro. Il me convainc de cirer mes chaussures, nous engageons la conversation, je lui demande combien il gagne par jour. 20 bolivianos (3 euros). Je lui donne cette somme et, contre toute attente, il arrête de travailler pour passer la journée avec moi. Persuadée qu’il allait continuer à cirer pour s’assurer une bonne journée et quelques économies, son attitude me renvoie en pleine figure une alternative, inenvisageable jusqu’alors, à mon rapport au travail et à l’argent.</p> <p> Pendant 3 ans, je pense à cette rencontre fascinante puis fantasmée. En 2009, je projette de retourner en Bolivie afin de le retrouver.</p> <p>  </p> <p> <img src="http://img4.hostingpics.net/pics/28582521film.jpg"></p> <p>  </p> <p>  </p> <p> <strong>Acte 2 Le retour</strong></p> <p>  </p> <p> <strong>Avant juillet 2009</strong>. J’ai écrit un premier texte, <em>Douze heures… et trois ans</em>, rétroactif, qui relate cette journée, puis l’attente de nouvelles qui ne sont jamais arrivées… J’envisage de le retrouver et d’enquêter sur les cireurs de La Paz, questionne mon changement de statut, de touriste à anthropologue, échafaude des scénarii multiples…</p> <p>  </p> <p> <strong>Juillet 2009. </strong>Me voilà dans les rues de la capitale bolivienne, munie d’un nom et d’une photo. J’aborde des cireurs dissimulés sous une cagoule et une casquette, questionnant aussi des yeux qui pourraient être ceux d’Alecksandro. Au bout de quelques jours, je le retrouve.</p> <p>  </p> <p> <strong>La relation impossible ? </strong>Mue par l’euphorie d’un projet un peu fou, je décide de me laisser totalement porter par la situation et la relation. Je rédige chaque jour minutieusement une chronique. Je vis l’enquête sans objet précis comme une expérience relationnelle qui est presque une fin en soi. Je vois peu Alecksandro, il oscille entre plusieurs stratégies dont le seul objet est, me semble-t-il, de me soutirer de l’argent. Je suis à la fois déçue et méfiante.</p> <p>  </p> <p> <strong>Mais des pistes d’enquête. </strong>Il me présente son ami Felix, jovial et entouré d’autres cireurs. Je partage beaucoup de moments avec eux, joue au football, partage repas, conversations, attente… Alecksandro m’initie à son métier, je cire, une cagoule sur la tête…</p> <p> Je découvre un univers insoupçonné, marché d'occasion, aspiration à faire des études, discours politique, solidarité, « débrouille »… Je n’explore pas vraiment ces diverses pistes.</p> <p>  </p> <p> <strong>Issue tardive. </strong>Je ne sais pas comment aborder le sujet d’une enquête anthropologique et m’enlise quand un ami français me conseille de dire que j’écris un article sur les cireurs de chaussures boliviens. Je donne enfin une explication à mon retour, l’idée réjouit Alecksandro, nous faisons un entretien, il me propose d’en faire d’autres et me met en contact avec d’autres cireurs, tout aussi enthousiastes. Hélas, trop tard,  mon séjour touche à sa fin…</p> <p>  </p> <p> <a href="http://img4.hostingpics.net/pics/984103gaminfilm.jpg" target="_blank"><img alt="" src="http://img4.hostingpics.net/pics/984103gaminfilm.jpg"></a></p> <p>  </p> <p> <strong>Acte 3 Ici</strong></p> <p>  </p> <p> Rentrée en France, je rédige ma chronique et m’aperçois, avec du recul, que j’ai placé Alecksandro dans une relation impossible, lui imposant un jeu dans lequel j’étais la seule joueuse… Seul l’article a autorisé la relation, devenue compréhensible. Dégagée de l’émotion « là-bas », je perçois la situation de manière totalement différente, ma colère légitime là-bas devient honteuse ici. Comment rendre compte de ce basculement ?</p> <p> J’ai accumulé des matériaux : notes, entretiens, observations… Comment les exploiter ?</p> <p>  </p> <p> <strong>Projet d’écriture</strong></p> <p>  </p> <p> L’écriture pour restituer l’enquête est une préoccupation importante. Comment par exemple ne pas nier et intégrer la part de l’imagination qui guide largement l’enquête ? En effet, j’imagine et agis en fonction aussi de ce que j’imagine qu’il pense. L’imagination n’introduit-elle pas une part de fiction dans l’enquête ? Comment intégrer cela dans le texte ?</p> <p>  </p> <p> De multiples questions et la quête d’une écriture « au plus juste » m’ont conduite vers une voie exploratoire, la juxtaposition de textes de natures différentes, chacun dévoilant diverses facettes absentes des autres. La question ultime est : est-il possible d’inventer une écriture restituant tous les aspects de l’enquête ?</p> <p>  </p> <p>  </p> <p>  </p> <p> <strong>Acte 4 : Aboutir l’enquête…</strong></p> <p>  </p> <p> L’enquête programmée pour l’été 2012 vise à explorer les pistes entrevues lors du dernier séjour, à retrouver bien sûr Alecksandro et Felix avec un projet clair dès le départ : terminer le livre sur les cireurs de La Paz…</p> <p>  </p> <p> Mon absence de statut institutionnel est ici aussi garante de ma liberté expérimentale et je ne m’interdis pas certaines audaces littéraires…</p> <p>  </p> <p>  </p> <p> <a href="http://img4.hostingpics.net/pics/407633dosfilm.jpg" target="_blank"><img alt="" src="http://img4.hostingpics.net/pics/407633dosfilm.jpg"></a></p> <p>    </p> <p> <em>Comment je suis devenue anthropologue et occitane </em>est le livre issu du journal d’une thèse portant sur la faiblesse de l’occitanisme politique. Il interroge à la fois la manière d’écrire l’anthropologie et le temps de l’écriture.</p> <p> <em>Au cœur de l’enquête</em> pousse plus avant l’exploration en invitant le lecteur à participer à l’élaboration de l’enquête et de son compte-rendu.</p>