Lettre à Polka Magazine, suite à la condamnation du photographe Yann Morvan le 26 Juillet 2013 par le Tribunal de Grande Instance de Paris pour une photo publiée dans son livre "Gangs Story" - Edition de la Manufacture. Cessation de diffusion de l'ouvrage, retrait de l'image du site du journal "Le Nouvel Observateur" et paiement d'une somme au plaignant (Mathieu Buquet) pour "réparation de son préjudice moral."

Je viens de lire l'éditorial de A. Genestar à propos de l'affaire Yann Morvan.

(Polka n°23. Septembre / Octobre 2013)

Je suis outré par le jugement rendu, en tant que photographe et citoyen. Le droit à l'image, c'est la peur de l'autre et de soi-même, à des fins commerciales. C'est l'appauvrissement de la liberté d'expression certes, mais aussi celle de l'ouverture d'esprit, de la tolérance et du partage. Comment peut-on dans une société moderne où les avancées technologiques sont telles, que les réseaux sociaux sont aux coeur des échanges humains, en arriver à enrichir quelqu'un mineur à l'époque des faits, qui s'est reconnu adulte sur des pixels ? D'un autre côté, pourquoi s'en prendre au FN pour soutenir ce débat ?

L'évocation du droit à l'image est aussi là où on l'attendrait le moins, dans des lieux dits alternatifs, où la gauche et l'extrême gauche sont à priori en terrain conquis, comme les squats parisiens. Je parle en connaissance de cause, puisque je réalise un reportage de fond sur le squat "La Miroiterie" 88 rue de Ménilmontant, Paris 20ème depuis 2008. Ce sont des milliers de photographies accumulées, sur un haut lieux de la culture punk-hardcore, reconnue dans le monde entier, du Brésil à La Nouvelle Zélande, et qui risque de fermer bientôt, étant sous le coup d'une expulsion effective. Malgré un travail d'approche, je me heurte souvent à des refus, soit polis, soit véhéments, voir même menaçants, au nom d'un sacro-saint "droit à l'image". Venant d'une personne soit disant représentative du lieux, couvertes de piercings et de tatouages par exemple, cela fait mal et met par terre, sinon sa foi dans le projet, du moins ses convictions.

Quand on voit à l'entrée du squat des pochoirs avec un portrait de Clément Méric (militant extrême gauche tué par un militant d'extrême droite), la mention "Clément vit dans nos luttes" et "Antifa Zone", on a de quoi se poser des questions sur la pertinence et la légitimité d'un magazine comme le votre dans la photographie, à amalgamer droit à l'image avec droite et extrême droite ?

A contrario du but à atteindre, n'est ce pas là une manière d'envenimer un peu plus le débat, quand il faudrait bien mieux le crever dans l'oeuf ?

François Sabourin.

Photo parue dans Polka Magazine n°23 avec tampon figurant sur la condamnation.

Mes photos prises à La Miroiterie :

La Miroiterie 2008-13