<div>
Chers ami-e-s, </div>
<div>
</div>
<div>
Quelques nouvelles depuis le Caucase. Ces nouvelles sont un peu particulières car, comme vous l'avez surement remarqué, mon blog ne se remplit guère et je veux vous expliquer pourquoi. </div>
<div>
</div>
<div>
Je suis en Arménie depuis 2 mois et demi. Me retrouver bloqué m’a amené, au fur et à mesure que la dynamique du voyage s'est logiquement effritée, à me poser un certain nombre de questions quant à notre projet et au journalisme que je veux pratiquer. Ces questions devenant de plus en plus importantes, je suis resté plus longtemps pour y voir plus clair. Et c’est pour ça que mon travail a été laborieux et que mon blog ne s'est guère étoffé. J’aimerais vous faire part de ces réflexions personnelles car elles vont modifier la suite du projet. Et comme vous y avez grandement contribué, je veux être tout à fait sincère avec vous. </div>
<div>
</div>
<div>
Je me suis rendu compte ces dernières semaines que le fait d’écrire des reportages sur des sujets comme les syriaques du Kurdistan turc ou sur un groupe couchsurfing à Istanbul est certes intéressant pour moi (et je l’espère pour vous aussi) mais manque de profondeur. Ce voyage à travers l’Asie centrale a pour but de faire découvrir cette région et certaines des problématiques majeures qui la touche, notamment le rapport des habitants à l'étranger proche, à l'altérité. Comme vous le savez, mon objectif à l’issue de ce voyage était de m’installer au Kirghizistan, à Bishkek, et de tenter de piger pour des journaux francophones. On a douché mes espoirs ces deux dernières semaines. Pour faire court : les journaux français ne sont intéressés dans cette région que par les démêlés de Gulnara Karimov avec la justice suisse ou par l’implantation des entreprises françaises au Kazakhstan.</div>
<div>
</div>
<div>
Mes interlocuteurs au Monde (j’ai aussi contacté le Figaro, le Temps et Libé) ont tous montré une curiosité intellectuelle pour des questions comme les relations entre Kirghizes et Ouzbèkes à Och (pogroms 2010) ou sur l’irrédentisme pamiri, mais ils m’ont tous assuré que leurs journaux n’ont pas les moyens d’acheter des piges sur cette région et que finalement ça ne les intéresse pas tant que ça parce que l'Europe n'a pas d'intérêt direct là-bas. De plus j'ai contacté quelques blogueurs/journalistes indépendants qui ont tenté de s'installer en Asie centrale et de piger. Aucun n'a réussi à en vivre, et tous ont du déménager après quelques temps. </div>
<div>
</div>
<div>
Je me suis donc demandé si je ne pourrais pas trouver un travail en Asie centrale, à l’issue du voyage, et garder du temps pour suivre des sujets qui me tiennent à cœur, quitte à ce qu’ils terminent simplement sur un blog. Pour être parfaitement franc : ça ne m’enchante pas. Je n’ai pas encore envie d’abandonner l’espoir de pouvoir vivre du journalisme. Et surtout, je me rends compte que partager une passion pour une région est bien beau mais il manque une dimension citoyenne/"militante" à cette ambition.</div>
<div>
</div>
<div>
Enfin et surtout, j’ai pris conscience que le format de ces reportages ne me correspond pas. Je ne me sens pas à l’aise dans un papier de 5000/7000 signes. J’ai envie d’approfondir d’avantage les sujets, tant dans le fond que dans le temps. Et je voudrais travailler sur des thèmes plus sensibles et porteurs d’enjeux plus complexes que le retour des syriaques au Kurdistan turc. Par exemple: industrie minière, corruption, responsabilité des corporations dans des dégradations environnementales, transparence des mécanismes politiques etc. En bref, je veux me diriger vers du journalisme d’investigation. Je veux donner d’avantage de sens politique et humain à mon travail et laisser les nomades Kirghizes à ceux qui auront un intérêt viscéral pour eux. Je voudrais participer à ma modeste échelle à la surveillance de tout ce qui menace la construction de sociétés démocratiques, transparentes et respectueuses des individualités. </div>
<div>
</div>
<div>
Reste que je dois faire mes preuves. Si le journalisme est déjà un milieu fermé, le journalisme d’investigation l’est encore d’avantage. J’aurai à partir du mois d'août la possibilité de le faire dans le cadre d’un projet en Arménie. Ce projet, sur lequel je commence à travailler avec un ami journaliste et une Arménienne environnementaliste, a pour objectif de réaliser un documentaire de 52 minutes sur l'industrie minière en Arménie. Le projet se concrétisera par un documentaire et un site web contenant l'ensemble de l'enquête (documents publics ou devant être rendus publics pour l'intérêt général, interviews, datas, etc). </div>
<div>
</div>
<div>
En attendant août, parce que je n'aime pas laisser les choses inachevées, je vais bientôt repartir pour l’Asie centrale. Je dois d’abord déblayer la documentation pour le projet en Arménie. En Asie centrale, je ne sortirai pas une liste astronomique de sujets. Je vais me concentrer sur deux sujets principaux. L’un d’entre eux sera la mine de Kumtor. Cette mine est située à 4000m d’altitude à quelques encablures de la frontière chinoise. Les habitants des environs déclarent régulièrement avoir des problèmes de santé ; les eaux sont effectivement polluées. Kumtor concentre en elle-même plusieurs enjeux : corruption des élites kirghizes, dégradation environnementale, pillage des ressources naturelles, transfert pricing etc. </div>
<div>
</div>
<div>
L’autre sujet n’est pas encore complètement déterminé. Je devrais également passer en Ouzbékistan, ayant promis à ma marraine du Monde (Florence Beaugé) de lui écrire un papier sur Samarcande, demi centre du monde. Et également au Tadjikistan. </div>
<div>
</div>
<div>
Je vous ai écrit ce long mail parce je voulais vous expliquer mes questionnements de ces deux derniers mois. Je tiens à être sincère avec vous. A travers ce projet je cherchais la forme de journalisme qui me corresponde. En voulant travailler sur le rapport à l'altérité en Asie centrale, je pensais que je trouverais mon chemin journalistique. Il s'avère que je me suis trompé : trop bancale, trop "gentil". </div>
<div>
</div>
<div>
Je suppose qu’il y aura surement des réactions parmi vous. Quelles soient ulcérées ou enthousiastes, faites m'en part, s'il vous plait! </div>
<div>
</div>
<div>
Mes amitiés, </div>
Les balcons de Prométhée
De l'Anatolie au Karakorum, raconter le quotidien de l'Asie centrale via des reportages et un blog

Réussi
49
Contributions
30/01/2014
Date de fin
5 036 €
Sur 5 000 €
101 %
Les publications
<p>
Le Monde a publié aujourd'hui un article sur son site web sur la "tradition" de libération de prisonniers politiques en Ouzbékistan : <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/12/12/l-ouzbekistan-amnistie-des-milliers-de-prisonniers_4333570_3216.html">http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/12/12/l-ouzbekistan-amnistie-des-milliers-de-prisonniers_4333570_3216.html</a>.</p>
<p>
Ma surprise a été de taille lorsque j'ai découvert la maigreur de cette reprise de dépêche AFP. Un fait banal, brute. Aucune enquête de fond, aucune réflexion, interrogation sur ces prisonniers politiques... Étonnant par exemple qu'on ne s'interroge pas sur les raisons de cette amnistie : les prisons sont elles pleines? Comment se fait il que chaque année des milliers de prisonniers politiques soient libérés : y en a t'il autant que ça qui croupissent dans les geôle de Karimov? </p>
<p>
Qui sont ces prisonniers politiques? Quelle mention de la répression féroce qui touche tous les opposants au régime, des démocrates aux islamistes, faisant le jeu de ces derniers? </p>
<p>
Sait on par exemple, que sur quelques 8 000 prisonniers politiques (selon Human Rights Watch), ils seraient 5 000 à être membre du parti islamiste Hizb ut Tahrir? comment se fait il que ce parti attire autant de personnes, et fasse les frais d'une telle répression?</p>
<p>
Autant de questions qui mériteraient d'être creusées? La vie en Ouzbékistan est très loin des milles et unes nuits, de Marco Polo et des magnifiques mosaïques de Boukhara, que nous vantent les voyagistes! Une raison de plus pour m'aider à financer des reportages dans ces pays ! Nous en sommes presque à 20%, faites circuler les ami-e-s !</p>