Wayce Upen Foya

Wayce Upen Foya

Auteur indépendant, Streameur coworking, aidez-moi à vivre de mes créations et à les rendre concrètes

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▲▲▲ Message émis le 20 Avril 2024 Début de Transmission Voilà un sujet qu’il est « difficile » d’aborder, pas tant par ce qu’il est réellement que par ce qu’il représente et signifie pour moi et ce qu’il implique sur le plan professionnel depuis que j’ai décidé que ma carrière professionnelle serait entièrement dépendante des réseaux sociaux et d’internet en général. Entre autres points, il n’est pas évident de parler de tout ça sans en faire quelque chose d’« événementiel », alors que je ne le souhaite pourtant pas. Pour moi, c’est une situation qui est normale et devrait l’être aux yeux de tous. Cependant, je ne peux ignorer que c’est une annonce qui peut faire réagir et qui doit donc être traitée comme telle, avec les nuances et les « explications » qui conviennent. C’est plutôt pour cette raison que j’ai décidé d’en faire un article à part entière : résumer la situation, donner mon point de vue et mon ressenti, et informer au mieux les gens qui pourraient être pris au dépourvu. Alors, quelle est donc cette fameuse information ? Les plus anglophiles d’entre vous l’auront peut-être saisi sachant que le titre est une traduction littérale du terme que l’on utilise habituellement : je fais ici mon coming-out et plus précisément mon coming-out trans. À partir d’aujourd’hui (et depuis un petit moment, en réalité, déjà) j’entame les démarches pour devenir une femme. Voilà, c’est aussi simple que ça. Peut-être que vous vous posez beaucoup de questions sur l’instant, mais je reviens sur ce que je disais un peu plus haut : pour moi, ce n’est pas un « événement », c’est une situation purement banale. Ce que ça veut dire, c’est que rien ne va fondamentalement changer dans mon travail, ma façon de faire ou ma vie. Le plus gros changement auquel vous ferez face, c’est que je vais désormais parler de moi au féminin, que ce soit ici ou sur n’importe quel autre réseau, puisque c’est ainsi que je me définis. J’entends par là que je ne vais pas changer de personnalité ou de sujet de romans par exemple. Je suis désolée si ce type de discours peut sembler un peu infantilisant aux personnes sensibilisées à ces question, mais j’essaie d’expliquer les choses pour qu’elles soient compréhensibles par le plus grand nombre de gens possible. Ça fait un moment déjà que je me sais trans, et ce n’est pas un changement qui s’effectue du jour au lendemain – car ce n’est pas un changement du tout, je reste la même personne depuis le début, même avant de savoir que j’étais trans. La seule chose qui « change » dans le sens propre du terme, c’est que je vais assumer publiquement cette identité, mais l’identité en question je l’assume déjà en privé depuis des années. Un peu comme si j’étais cachée, et que désormais je me manifestais. Toutes les personnes trans ne seront peut-être pas d’accord avec ma métaphore, et de toute manière je ne parle ici qu’en mon nom, mais si vous avez du mal à conceptualiser le principe, voyez-le un peu comme un changement de coupe de cheveux. Ce changement va forcément affecter un peu la manière dont vous me percevez, mais il n’est pas difficile de se rendre compte que ce n’est pas un chose qui modifie la personne que je suis dans le fond, ça ne change pas ma personnalité. Ce qui change c’est ma manière de l’exprimer, et croyez-moi, cette nouvelle coupe va me faire du bien. La question que vous pourriez vous poser c’est pourquoi est-ce que je fais mon coming-out maintenant, publiquement et de cette façon ? C’est vrai que si j’ai réussi à gérer ça dans ma sphère privée pendant tout ce temps, je pouvais aussi bien continuer sur cette voie. Ça n’aura d’ailleurs échappé à personne que sur internet, les réactions à l’égard de la communauté LGBT+ sont souvent soit très bienveillantes soit très malveillantes, rarement entre les deux. Je mentirais si je disais que le possible harcèlement ne m’inquiète pas sachant que, comme je le disais, une grosse partie de mon travail se construit aujourd’hui autour d’une figure publique. Néanmoins, je ne veux pas laisser le doute guider mes choix et restreindre mon bien-être, parce que plus j’avance dans ma vie et plus le passing (le fait d’être considéré dans le bon genre – une femme, dans mon cas – par la société) devient important à mes yeux. Au point que je souhaite l’affirmer. Au tout départ, ce qui m’importait c’était surtout de l’assumer dans mes romans. Le début de ma carrière d’autrice approche à grand pas et je me suis longtemps dit que je me présenterai comme « un auteur » le temps qu’il me faudrait pour me sentir à l’aise avec un coming-out publique. Sauf que, j’avoue ne pas être très friande de l’idée de faire une complète réédition de mes anciens livres au moment du changement de genre ; avec tout ce que ça implique de chaos dans la gestion des stocks. Ça signifierait aussi que certains lecteurs auraient toute leur vie dans leur bibliothèque un exemplaire avec un identité que je n’assume plus. Finalement la balance bénéfice-risques (et le fait que ma première publication arrive aussi bien plus tard que prévu) a largement penché en la faveur d’une identité unique, féminine, assumée dès le premier livre. Sauf qu’il devenait alors compliqué de donner un double discours en parlant de moi au masculin d’un côté (sur les streams, mon site internet ou même ici) tout en mettant bientôt en vente des livres dont le profil d’autrice serait rédigé au féminin. J’ai d’abord pensé ne pas mettre ce fameux petit encart « à propos de l’auteur » dans le livre ; parce qu’après tout, pour le nombre de personnes qui le lisent vraiment… Cependant, à une échelle plus large, ça impliquerait de rester aussi discrète sur internet, les réseaux, etc. Or, ce n’est déjà pas simple d’être une autrice indépendante, alors s’obliger à ne pas faire de bruit est une opportunité de plus de fusiller sa carrière avant même qu’elle soit née. Est-ce que révéler sa transidentité n’en est pas une autre ? je n’espère pas. Enfin, le dernier aspect qui a motivé cette prise de décision, ou plutôt qui m’a aidé à être plus à l’aise avec ma situation identitaire au sein de la société, et donc à l’assumer pleinement et ouvertement… c’est un enchaînement de petites actions qui font du bien. Parmi lesquelles j’en citerai seulement deux : le discours de Senen à l’émission Speedons 2024 et une conversation (plus ou moins banale) avec un auteur trans. À travers ces moments j’ai eu l’occasion de voir des gens assumer leur différence et inviter à assumer ses propres différences ; j’ai eu l’occasion de voir des gens fiers de montrer publiquement leur identité, non sans admiration. C’est peut-être là que j’ai réalisé que la peur que je ressentais à l’idée de faire un coming-out était justement la première chose contre laquelle il fallait lutter. Depuis longtemps nous avons sur les streams des discussions en rapport avec l’écriture, pendant lesquelles j’essaie de partager mon expérience, de vulgariser ce que j’ai appris au cours de mes années d’écriture, et de démocratiser l’exercice en invitant tout le monde à s’y mettre. Depuis longtemps je vous parle de mon envie de produire des vidéos, que ce soit pour youtube, tiktok ou que sais-je, avec cet exacte même but en tête : je veux inspirer les gens, et notamment les auteurs en herbe à donner le meilleur d’eux-mêmes ; les aider à ne pas perdre la motiver et à aller au bout de leurs projets. Je n’ai pas la prétention d’être un modèle dans le monde de l’écriture, mais le rôle de collègue, d’alliée, de bon conseil me suffit amplement. Maintenant, est-ce que je pourrais me regarder dans le miroir tous les matins si je brûlais d’une telle ambition pour l’écriture et pas pour ma communauté ? De la même manière que j’ai réussi à m’affirmer publiquement en tant qu’autrice dans un monde qui méprise l’art, les artistes et la quête du sens que je poursuis ; je veux m’affirmer publiquement en tant que femme trans dans un monde qui méprise les minorités romantiques et sexuelles et qui exècre la différence. De la même manière que je considère que si mes conseils en écriture peuvent aider ne serait-ce qu’une personne, un jour, à avancer dans ses projets où à se débloquer, j’aurai réussi mon combat ; je considère que si mon ressenti et mon expérience et surtout le fait de me manifester peut aider ne serait-ce qu’une personne, un jour, à avancer dans son propre parcours identitaire, j’aurai réussi mon combat. Je ne veux pas avoir peur et me cacher, je veux juste vivre ma vie d’autrice et partager des histoires, partager mon histoire. Parce que oui, comme n’importe quelle autrice, il y a une partie de moi qui gît en chacun de mes écrits, et c’est là-dessus que je conclurai l’explication de ma prise de décision. J’ai eu peur de parler de ce que je suis au risque de me mettre à dos des gens haineux mais aussi de potentiels lecteurs qui, mal informés, refuseraient de poser les doigts sur mes pages pour les mauvaises raisons. Mais la réalité, c’est que mes romans n’auraient jamais pu plaire à de telles personnes. La moitié de mes personnages sont queer, pour ne pas dire qu’ils vivent des expériences se rapportant à la transidentité. Quant aux sociétés que je décris, même si c’est rarement explicite, elles ont pour toile de fond des convictions qui me correspondent ou critiquent celles que je mets en doute… En somme, après la lecture de deux ou trois romans, il n’est difficile pour personne de cerner mon personnage. Que ce soient de simples déceptions ou de futurs haters, ce n’est pas en camouflant ma transidentité que j’éviterai d’en avoir. Il n’y a qu’à regarder comment certaines se font publiquement incendier pour défendre des causes autrement plus universelles comme la pression sociale qui pèse sur les femmes (Sophie Jomain, on pense à toi). Il est donc temps pour moi, à mon humble échelle, d’œuvrer pour me sentir plus épanouie dans ma vie mais aussi pour faire bouger la société et peut-être un jour m’y sentir bien. C’est ce que j’espère faire avec cet article, ceux qui suivront, mais aussi et surtout avec mes histoires… parce que c’est aussi ça, le métier d’autrice. Sur ce, Belle Lune, Wayce Upen Foya Fin de Transmission ▼▼▼