MERCREDI 27 MAI

Nous nous levons tôt afin de prendre un taxi pour Zagora. Cette précaution est bien nécessaire suite aux renseignements quelque peu confus de Mbark et Mohamed.

« Nous : Est-ce que nous pouvons prendre un taxi à toute heure ?

Mohamed : Oui oui, à toute heure. Jusqu'à 9 heures.

Nous : Du soir ?

Mohamed : Du matin. »

Soit à toute heure entre 7 heures et 9 heures du matin.

Puis renseignements de Mbark : « Il a peut-être voulu dire À PARTIR de 9 heures. »

Mais Mohamed nous confirme le contraire. Pour être plus clair, Mohamed nous explique qu'il vaut mieux partir le matin pour être sûr d'arriver avant 19h à Zagora, qui est pourtant qu'à 1h30 de route. Nous comprenons vite quand nous voyons les clients entassés dans les petits taxis : quand il y a plus de places, il y en a encore !

Nous disons alors au revoir à la famille, ne pouvant les remercier suffisamment pour leur incroyable générosité, et partons pour Zagora.

Nous arrivons là-bas vers 11h avec la question essentielle de la journée : comment faire passer les 7 heures qui nous attendent avant de prendre le bus ?

D'abord, nous nous dirigeons le plus lentement possible vers un restaurant dans lequel nous dégustons calmement notre dernier tajine – impossible de s'en lasser – et jouons au petit bac. Bien, 1h30 se sont peut-être écoulées mais le plus dur reste encore à faire. Nous nous rendons dans un cyber café pour imprimer mon billet d'avion, en espérant presque qu'internet fera des caprices pour perdre encore un peu de temps Malheureusement, l'opération est des plus rapides.

À l'angle d'un magasin où nous achetons de l'eau, la chance nous sourit enfin : nous rencontrons un boutiquier qui nous parle directement de M'hamid. Il se présente comme Mamadou et nous invite à boire le thé dans sa boutique. Là, nous y passons bien deux heures, où nous parlons avec Driss et Mamadou de mille et une choses.

Les deux cousins viennent d'une tribu vivant dans le désert de la région de M'hamid. Quand ils n'ont pas de touristes à amener dans le Sahara, ils tiennent la boutique de bijoux, masques, tissus, théières et autres objets à Zagora. Mamadou a énormément voyagé : Asie, Arabie Saoudite, Turquie... et a participé à de nombreux projets de types woofing. À son tour, il cherche des volontaires pour l'aider à monter son propre projet : la construction d'une auberge de jeunesse dans la région. Il accueille régulièrement des personnes chez lui pour s'occuper de son jardin, en échange de son hospitalité.

Son hospitalité, il nous l'offre aussi très rapidement et nous invite chez lui, dans son havre de paix qu'il nomme « Mon jardin, c'est ma vie ». Nous laissons les sacs dans les boutiques et embarquons sur les mobylettes de Mamadou et Driss. Sa maison porte bien son nom : c'est un nid de fraîcheur, de nature et de bien être. Il nous fait visiter l'intérieur mais surtout son potager. Des plantes de tous les pays y poussent : poivrier d'Arabie Saoudite, choux, tournesols, tomates, luzernes, cactus, orangers...

Dans ce petit bout de paradis, nous filmons la dernière vidéo qui nous manquait pour présenter le documentaire.

Puis Mamadou nous invite à partager thé et narguilé. Alors que d'autres invités viennent se joindre à nous et commencent à jouer de la musique, nous en oublions presque notre bus : vite, nous n'avons plus que 30 minutes avant le départ ! Petit problème : nous ne savons pas à quelle heure le bus part précisément, puisque qu'au guichet, le vendeur a ri aux questions d'Amandine : « 19h, 19h30, c'est la même chose ! » Mouais, pas vraiment quand même...

Sans trop se presser, Mamadou ferme la porte de son beau jardin et nous reprenons les mobylettes. Petit verre d'essence pris du véhicule de Driss pour remplir le réservoir de Mamadou : on croise les doigts pour que ça tienne le trajet. Les deux conducteurs se lancent ensuite dans une véritable course : « Tu connais Paris-Dakar ? »

Nous nous sommes peut-être emportés trop vite, Driss roule sur un clou qui crève son pneu en quelques secondes. Amandine et lui doivent marcher et ils sont encore loin de la ville. De mon côté, sans être au courant de la panne, je rentre à la boutique. Là, l'ami de Mamadou qui gardait le magasin me dit que le bus part bien à 19h, puis calmement : « Il est 18h45 là, vous allez le rater. » Impossible de voir Amandine ni de la contacter : nous qui avions peur de mourir d'ennui durant ces sept heures d'attentes, elle se sont consumées si vite que nous sommes sur le point de manquer notre bus !

Avec soulagement, j'entends la mobylette de Mamadou qui était parti chercher Amandine. Nous courons au bus. Nous sommes sur le point de partir mais Mamadou insiste pour aller nous acheter de quoi manger sur la route. Le chauffeur accepte d'attendre pour nos deux sandwichs et nous commençons à chantonner la musique de "mission impossible" avec un employé de la station. Au moment où l'on nous annonce qu'il ne peut attendre plus longtemps, Mamadou dérape sur le trottoir à toute vitesse et nous tend nos sacs de sandwichs, olives et frites.

Après de rapides aurevoirs, nous montons dans le bus, le sourire jusqu'aux oreilles : décidément, nous avons rencontré lors de ce voyage des personnes d'une générosité sans égal. Jusqu'au bout nous aurons été surprises par l'accueil que nous avons eu ici et des rencontres inoubliables que nous avons faites.

Je reprends l'avion plus convaincue que jamais de ma motivation et du besoin de faire ce film. Il y a des milliers de sujets dont j'aimerais parler, des projets tels que celui d'Ali ou de Mamadou m'ont donné de nouvelles inspirations, et je regrette de ne pouvoir faire un documentaire sur chacun d'eux. Il faudrait toute une vie pour filmer cela. Mais j'ai le plus profond espoir que Les Marcheurs du désert, en abordant le thème précis qu'il s'est donné, ouvrira des portes sur une région incroyablement riche, de ses paysages et de ses habitants.

Les Marcheurs du Désert