Exposition "Dos au mur : enfermement en Prisons ouvertes"
<p>Tout d'abord un <strong>GRAND</strong> merci pour votre soutien et votre aide.. Il me tient à coeur que ce travail existe, soit vu et circule auprès du plus grand nombre. Il s'agit d'une vraie réflexion sur nous-même et sur la société que nous voulons créer demain. Qu'est ce qui nous relie à ces femmes et ces hommes qui ont accepté la prison sans barbelés, de se mettre à l'épreuve de leur humanité, de se contenir dans des frontières qu'ils vont devoir se construire eux-même... Grâce à vous je l'espère, je vais pouvoir accepter l'invitation de l'ambassade de Finlande d'exposer mes photos au Conseil de l'Europe à Strasbourg du 24 avril au 3 mai prochain à l'occasion d'une conférence sur la surpopulation carcérale avec les membres de l'union. </p>
<p style="text-align:center"><strong>Philosophie du projet :</strong></p>
<p>J’ai démarré il y a 5 mois un projet photographique sur le système de prisons ouvertes. Il s’agit d’un travail artistique personnel, basé sur la capacité de chacun à se créer des limites, des frontières. J’ai voulu rencontrer ces hommes et ces femmes qui passent une partie de leur peine en prisons ouvertes. Une chance que le système leur offre mais aussi une épreuve car dans ces prisons sans barreaux, sans murs ni miradors… La détention devient mentale. J’ai voulu comprendre la solitude à laquelle ils font face, la dualité dans laquelle ils se trouvent et qui, d’une certaine façon peut résonner en chacun d’entre nous au quotidien. Je suis donc partie en Finlande (où ce système de prisons ouvertes a réellement fait ses preuves) pour réaliser une première une série de photos. Et dans les semaines à venir je dois me rendre à Casabianda en Corse l’unique prison ouverte de France qui a été construite après la deuxième guerre mondiale.</p>
<p>A travers ces photos je souhaite que l’on s’interroge sur la notion du libre arbitre et sur la nature même de la conscience, celle qui pousse à faire des choix et à décider de nos propres limites…. Dans les prisons ouvertes de Vanaja et d’Ojoinen en Finlande, les détenus connaissent une liberté toute relative, où les murs et les barreaux n’existent que dans leur tête. J’ai voulu comprendre la notion complexe et ambiguë de la frontière. Dans ces centres de détention, aucune démarcation visible, seule la raison détermine les contours et pose ainsi la question de ce qui motive le jugement de quelqu’un. Notre volonté ne dépend elle que de nous ? Est-elle contrainte par la société, par des expériences personnelles, des traditions ou par une éducation ? Où commence et où s’arrête la ligne imaginaire qui définit l’espace carcéral de chacun.</p>
<p><strong>Pour mettre en image ce concept de démarcation virtuelle entre liberté et détention, j’ai pris le parti au moment des prises de vue extérieures de photographier ces prisonniers à travers un filtre plastique, afin de montrer l’existence de ces limites intellectuelles en prison ouverte. Pour appuyer ce propos autour des détenus, j’ai choisi d’accompagner leur photo d’un paysage où à l’inverse la frontière n’existe pas. En intérieur j’ai souhaité ne pas mettre de filtre car les cadres sont définis de fait par les murs de leurs chambres.</strong></p>
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<p style="text-align:center"><strong>Contexte du projet : </strong></p>
<p>J’ai choisi de réaliser ce travail en écho à l’actualité qui concerne nos prisons depuis plus d’un an. Surpopulation carcérale, violence en hausse, prisons insalubres, l’état des centres de détention en France est partout montré du doigt. IL EST URGENT DE TROUVER DES SOLUTIONS car le nombre de détenus a atteint un nouveau record avec 70367 personnes incarcérées pour moins de 60000 places. Le président de la république, Emmanuel Macron, a présenté les contours d’une vaste réforme pénale destinée à lutter contre la surpopulation carcérale. Dans son rapport, la contrôleuse générale considère que « la privation de liberté » doit redevenir une mesure de dernier recours et les peines alternatives doivent être développées. Aujourd'hui, certains députés souhaitent repenser la détention et réinventer le système carcéral. <strong>Car la prison a aussi pour rôle la réinsertion.</strong></p>
<p><strong>Quid des solutions ?</strong> Certains parlementaires français se sont rendus en Scandinavie afin d’étudier le système pénitencier. Face à la surpopulation carcérale, les pays du nord ont fait le pari il y a plus de 60 ans des prisons ouvertes. Aujourd'hui ils affichent l'un des plus faibles taux d'incarcération au monde (Pour 100.000 habitants on compte 61 détenus au Danemark, 58 en Suède, 65 en Finlande contre 98 en France et ce chiffre ne cesse d’augmenter). Le cas de la <strong>Finlande </strong>est assez intéressant car avant de se tourner vers cette politique de « décarcération » le pays affichait le taux de criminalité le plus élevé d’Europe.</p>
<p>Là-bas certains centres « sans barreaux », généralement aménagés dans des zones rurales, ressemblent à de petites fermes ou à des villages ouvriers. On en compte au total 13 (contre 15 prisons fermées). Celles-ci concentrent en tout plus d’un tiers de la population carcérale et ont pour objectif d’assurer la réhabilitation des détenus et de diminuer les risques de récidives. Les tentatives d’évasion sont très rares car elles signifient retour à la prison traditionnelle.</p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/572979/DUO3-1550939919.jpg" width="100%" /></p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/572980/DUO3b-1550939935.jpg" width="100%" /></p>
<p>Ces hommes et ces femmes sont d’abord incarcérés en prison fermée puis selon leur profil, leur comportement en détention ils terminent (Il s’agit parfois de la moitié de leur peine) en prison ouverte. Dans ces établissements pénitenciers sans barreaux, sans murs, ni miradors, ils reprennent petit à petit une place dans la société. Les détenus sont formés à un métier, touchent un salaire, reprennent des études, apprennent l’autogestion, participent à des activités favorisant l’intégration et le respect d’autrui. <em>«<strong> Les détenus d’aujourd’hui sont nos voisins de demain »</strong></em>. La plupart ont un suivi psychologique et thérapeutique. </p>
<p>L’objectif de ces centres de détention, est de leur donner une seconde chance et de leur permettre ainsi, une fois leur dette payée, de pouvoir se reconstruire une nouvelle vie. <strong><em>La prison n’a pas de sens si en filigrane il n’y a pas la réinsertion.</em></strong> En France il n’existe qu’une seule prison ouverte en Corse. Elle a ouvert ses portes après la seconde guerre mondiale malheureusement cette prison est restée au stade expérimentale alors que dans les pays scandinaves ce système a évolué et a réellement fait ses preuves. </p>
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<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/573068/Duo4b-1551000412.jpg" width="100%" /></p>
<p style="text-align:center"><strong>ILS ONT ECRIT POUR MOI </strong></p>
<p><strong>Texte écrit par Antoine Giacomoni, photographe corse, inventeur du « Miroir concept » et des « Miroirs sessions » qui en découlent.</strong></p>
<p>« Dos au Mur », prisons ouvertes de Scandinavie la presque ambiguïté du titre et du sujet : La prison sans les murs et soudain les clichés tenaces, les images récurrentes et toutes faites volent en éclat. Vu sous cet angle, le propos même est à reconsidérer et nos à priori à revoir de ces prisonniers et prisonnières –pour la plupart- Raphaëlle Duroselle n’a pas fait que merveilleusement les photographier. Mieux on sent qu’elle les a comprises. Une femme parmi les femmes faisant fi des verrous, des barreaux et des tabous. Adieu gardiens et numéros d’écrou : pour préserver leur anonymat et leur dignité Raphaëlle leur a tendu des masques posés à l’arrière de leur tête, face à son objectif. La légèreté était le ton juste et inévitable et cela Raphaëlle a su le trouver. Et tel un fil conducteur qu’elle déroule, elle nous fait pénétrer dans la prison et son double utopique, dans l’intimité des geôles de bois aux rideaux improbables. En devenant le geôlier de lui-même le captif se responsabilise : c’est là que se trouve la morale possible de l’histoire. Plus qu’aucune autre discipline artistique, la photographie me semble la plus apte à traduire les silences et magnifier la solitude. Dans cet espace délibérément clos le ludique flirte avec le tragique. Dans la cage aux fauves, dans cette partie de colin maillard désespéré, dans le prolongement du prisme de la lentille photographique le regard ne suffit plus. Il faut se relever les manches jusqu’au coudes et à l’aveugle y aller au toucher. C’est ce que dans cette immersion ultime réussit très bien Raphaëlle Duroselle. Par-delà le silence il me semble l’entendre murmurer à ses modèles ce que l’on considère comme l’essentiel de la parole : « je souffre avec toi ».</p>
<p>Au-delà du propos, de la géographie des lieux, à l’image de son auteure, le charme opère dans un savant cocktail de maîtrise intuitive, de recul nécessaire au vu de la gravité du sujet et des propositions et possibilités optimistes qui laissent présager pour les détenus le pari d’une réinsertion réussie. </p>
<p>« Dos au Mur » le très beau travail photographique de Raphaëlle Duroselle, il me revient à la mémoire le souvenir d’un ex-détenu de longue peine, qui au cours d’une de mes « Mirror-Sessions » face au miroir, me confia qu’après tant d’années de longue détention le plus dur à sa sortie était de pouvoir à nouveau se servir d’une clef, résumant ainsi que le pire dans l’incarcération est qu’on ne peut jamais plus ouvrir ni fermer une porte par soi-même, la clef celle qui fait d’une porte un mur c’est l’apanage du gardien et du gardien seulement. Voilà pourquoi entre autre, outre ses qualités esthétiques indéniables je vous recommande d’honorer de votre présence l’exposition « Dos au mur » de Raphaëlle Duroselle qui donne autant à voir qu’à réfléchir.</p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/573069/Duo8-1551000505.jpg" width="100%" /></p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/573070/Duo5b-1551000527.jpg" width="100%" /></p>
<p><strong>Texte écrit par Astrid Chaffringeon, écrivain (<em>Cueillir ses rires comme des bourgeons</em>, <em>Chambre avec vue</em>)</strong></p>
<p><strong><em>Dos au mur : en prison ouverte</em></strong><strong>, de Raphaëlle Duroselle :</strong></p>
<p><strong>Variation sur la solitude.</strong></p>
<p>En s’attachant à imaginer une série sur les détenues d’une prison ouverte finlandaise, Raphaëlle Duroselle aurait pu, comme le laisserait envisager ses activités de grand reporter, se limiter à suggérer un état de fait et à proposer une ouverture sur nos propres démêlés avec la liberté. Il n’en est rien. Sa série s’inscrit dans la lignée du travail entrepris en creux en 2016, depuis <em>Assortimots</em>- explorer les territoires de la solitude- et confirme l’envergure artistique de son œuvre photographique.</p>
<p> À l’automne, en Finlande, on traque les derniers sursauts de lumière -les maigres rayons de soleil sur le cuivre et l’or vibrants des feuillus- en constatant amèrement les premiers stigmates d’un hiver qu’on sait long et éprouvant. À l’automne, en Finlande, la nature chante la fin d’un règne. Les arbres commencent le processus de somnolence pendant lequel ils restreindront leur croissance pour se protéger du gel. Il n’y a pas d’autre issue que la solitude- tous leurs hôtes hibernent- pour réparer les dommages tout en s’organisant pour le prochain envol printanier. Ici, l’exigence de survie ne supportera ni écarts ni escapades. Dans ce complexe végétal, chacun a accepté sa place et a appris à se situer. Il n’y a pas d’autres possibilités que d’accepter son sort et de s’organiser pour l’après.</p>
<p>À chaque cliché de paysage, l’artiste a attribué une silhouette de dos. Des femmes qui, elles aussi, ont fait allégeance aux lois de la forêt. On ne sait rien de leur passé, des raisons qui les ont amenées à être condamnées. On se contente d’observer leurs contours qui se dressent sur un chemin ou au milieu d’un champ, parce qu’il faut bien attendre, réparer le tort qu’on a fait à autrui et qu’on s’est par là-même infligé. Prendre le mal en patience et observer, sans les emprunter, les lignes de fuite. Construire l’avenir dans le silence et le recueillement. En travaillant à l’effacement des sujets, en scénographiant, par cette habile proposition d’installation, leur végétalisation ou leur minéralisation, Raphaëlle Duroselle anoblit leur solitude et ses corollaires : mélancolie, dénuement affectif, tristesse. Ces épreuves qui les figent dans le temps ne sont que les étapes menant à la résurrection.</p>
<p>L’évolution depuis la série <em>Assortimots</em> est frappante. Construite à partir de slogans et leurs jeux réthoriques, elle associait des clichés d’objets dans une mise en scène pop art. Le propos était ainsi déshumanisé par l’utilisation du non vivant, et terriblement humanisé par le détournement de langage, compétence qui nous distingue habituellement de l’animal et de l’inanimé. De ces clichés, très travaillés, glacés presque, se dégageait une immense impression de solitude : celle de la photographe par rapport à ce qu’elle dénonçait (consumérisme, fractures sociales, violences…) qui rejoignait dans son aveu d’impuissance la solitude du public face à un état de faits qui suscitait son empathie et ses regrets mais auxquels il n’avait pas de réponses à apporter.</p>
<p>Avec <em>Dos au mur</em>, Raphaëlle Duroselle explore une autre dimension de la solitude : elle l’érige en épreuve sacrée et universelle qu’on ne doit ni redouter ni combattre mais accepter à la fois comme séquelle de notre humanité et comme inscription dans une logique naturelle, au sens premier du terme. On serait presque tenté-e, tant cette série investit, dans sa contraction méditative, l’inconscient collectif, de contredire Paul Auster qui affirmait dans <em>L’invention de la solitude</em> qu’il n’était pas possible de pénétrer la solitude d’autrui. Ici, en défragmentant et en décomposant la solitude pour produire un seul et même son, l’artiste nous met dos au mur : nous sommes tous condamnés à agir de concert pour le bien être d’une même communauté sans rien perdre de notre individualité. Et sans oublier de chérir notre solitude.</p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/573458/Duo6-1551113504.jpg" width="100%" /></p>
<p><img alt="" src="https://d3v4jsc54141g1.cloudfront.net/uploads/project_image/image/573459/Duo6b-1551113519.jpg" width="100%" /></p>