En cette veille de commémoration de l'armistice, il est heureux de pouvoir annoncer que la somme minimale est atteinte!

L'argent éventuellement supplémentaire servira à assurer une partie des coûts d'impression, mais passons ces considérations pécuniaires.

Oui, demain, nous célébrerons la fin de la Première Guerre mondiale. La publication de ces lettres sera l'occasion d'ajouter une pierre à l'édifice du pacifisme et selon l'expression, certes éculée mais toujours pleine de sens, d'apporter un éclairage pertinent sur notre époque.

Car Léon était bel et bien un pacifiste! Alors, parfois à tort et à travers, selon son état de fatigue, son moral, la difficulté de la situation que son régiment occupait, il accusait ceux qui menaient la guerre, ceux qui trouvaient de l'intérêt à la guerre. Mais surtout, il reconnaissait leur qualité d'êtres humains à ceux contre qui il se battait, et plus que tout, il voyait entre eux, une communauté d'intérêt: celles des petits qui n'ont comme seule envie le retour au foyer.

Voici ce qu'il disait dès le 17 décembre 1914:

"Ah, tu me parle que je défends la Patrie, et bien, crois-moi, Chère Amie, l’entousiasme que nous avions au départ de Marmande c’est bien éteint, et le le (sic) moral des hommes est bien fatigué. Oui, j’aime ma Patrie, car ma patrie, c’est vous, vous deux que j’aime plus que tout au monde, vous êtes ma petite patrie, mais la grande Patrie, n’en parlons plus, elle devrait être la même pour tout le monde, il devrait y en avoir qu’une, comme il n’y à qu’un genre humain, enfin crois-tu que les Allemands, comme les Russes, les Anglais et tous enfin, veulent la guerre, non, les hommes, les soldats, ne la veulent pas, car ils aiment eux aussi et sont aimés par leurs familles, alors ils veulent vivre, Ceux qui la veulent et qui la font sont à l’abrit et commande, s’ils veulent la guerre et s’ils la font, c’est pour apaiser leur ambition leur orgueil, Aussi, ces hommes là devrait être tous fusillés, ils devraient tous mourir ; Dis Madeleine, tu crois que si Guillaume tombait entre les mains des femmes françaises et autres aussi, même des Allemandes, crois-tu qu’elles ne lui feraient pas un mauvais parti, moi je crois qu’il passerait un mauvais quart d’heure, Mais vous autres femmes vous n’y pouvez rien n’y nous n’on plus. Alors résignons-nous à souffrir tous ensembles, mais aimons-nous quant même."

le 31 août 1915:

"Nous sommes tous partis avec des sentiments réellement patriotiques, nous allions défendre nôtre pays, et nous y allions de bon cœur, quoique la guerre est toujours triste car entraine Hélas ! de trop graves malheurs ! Mais nous avons été bien désabusés, en voyant que la guerre n’est pour certains qu’un but d’exploitation et que beaucoup en espère des profits scandaleux, tandis que d’autres souffrent dans la misère. Aussi en avons nous tous assez et serions contents de voir arriver la fin au plus vite. Et dire que c’est ceux là, les favorisés, ceux qui s’enrichissent qui crée la guerre à outrance ; Ah s’ils souffrait comme moi et comme tant d’autres, ils changeraient bien vite d’idée, Mais pour la plus part de ceux là, ils ne sont pas éprouvés, ils n’ont personne au front où tout au moins ils ne sont pas au danger. Et voilà ce qu’est le monde, chaquun pense pour soi, sans aucun souci que les autres souffrent, ils n’ont qu’un but, contenter ses idées et ses désirs, pour mieux dire c’est l’égoïsme en plein – et nous les petits nous sommes rien, et comme tu dis – pauvre mouton tu seras souvent tondus"

Trois semaines plus tard aura lieu l'attaque sanglante et surtout vaine de Champagne du 25 septembre 1915 de laquelle Léon réchappera notamment grâce à son statut de territorial.

Et enfin en décembre 1915 puis à de nombreuses reprises sont évoqués les épisodes des fraternisations dans les tranchées entre soldats français et allemands. L'Etat français, à cette période, procède à une levée de fond pour soutenir l'effort de guerre à laquelle sont fortement opposés les soldats. Pourtant l'emprunt national est une réussite.

le 13 décembre 1915:

"Et dire que derrière, ces messieurs, nos amis devenus nos ennemis, pour question d’intérêts où autre chose, nos assassins sans mentir, versent de l’or et de plus, font une propagande ignoble pour le faire verser ; Oui, assassins, et plusieurs fois assassins, au momments où nos soldats esquintés de fatigues de misères et de souffrances morales, ne veulent plus se battre, au momment où d’accord avec les Boches, ils se tendent la main et se disent franchement qu’ils n’en veulent plus, et continuent chaque matin et chaque jour à fraterniser ensemble malgré la défense qui leur à étée faire par nos officiers généraux qui au besoin pour les faire entrer dans leur tranchées et éviter ces relations, n’ont pas hésité à leur faire tirer dessus par l’artillerie qui à déjà fait des victimes"

Rappelons qu'à cette époque et dès septembre 1915 la censure était officielle et de tels propos aurait pu l'amener au conseil de guerre...

N'oublions pas Madeleine qui elle aussi, n'était pas avare récriminations envers les officiers, qui répond le 17 décembre 1915:

"Il ma dit lui aussi se que tu me disait sur ta lettre, que les Boches fraterniser avec vous autres, et que l’artillerie vous tirer dessus, pour vous en empêcher. Ah ! tu as bien raison de dire que se sont des assassins et des grand oui, car il ne savent comment faire pour vous détruire a tous. C’est honteux, et bien malheureux mais vous n’y pouvait rien faire, que soufrir pour récompenses."

Edition critique de la Correspondance de Léon Plantié à sa femme (1914-1917)