Oculus Imaginationis

« Un affect est d’autant plus grand qu’il est excité simultanément par un plus grand nombre de causes convergentes » Proposition 8, Éthique, Spinoza Le cinéma : des corps qui tombent ensemble au même moment et qui traversent alors le même endroit. Ce sont des incidences communes, des destins mêlés. Ce sont des causes convergentes. À un moment : Movimemtum, mouvement ; mouvement, Kinema. Ce projet de film pose une question : quel serait l’espace-temps qui contiendrait le maximum de causes convergentes ? Ce qui implique aussi : quelles sont les plus grandes causes sinon celle de l’univers et du monde entier ? Il s’est avéré pour nous que l’espace-temps le plus coïncident était celui des palais mnémotechniques des anciens. Nous avons pu y reconnaître une certaine identité avec le cinéma, notamment avec celui de Sharunas Bartas (La Maison) où il s’agit le plus souvent d’espaces traversés par un protagoniste et espaces dans lesquels se situent des symboles corporels, c’est- à-dire des corps et des objets dramatiques ramenant le spectateur à des idées et arguments d’un discours. Nous nous sommes intéressés de près au Théâtre de Giulio Camillo qui était un théâtre (dont nous avons que des traces écrites) ressemblant à une diversité de lieux et rassemblant la totalité de la pensée de Cicéron par la disposition ordonnée de figures et de symboles corporels (p.144, L’art de la mémoire, Frances À. Yate, trad. Daniel Arasse, nrf Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1975, Paris). Il aurait été en bois et de la taille pouvant contenir deux personnes. Ce théâtre était censé donner à celui qui le visite la puissance oratoire de Cicéron en ayant accès par un seul coup d’oeil à l’ensemble de sa pensée (p.145, Ibid.). C’était donc l’exercice d’une puissance magique et oratoire, où l’univers tout entier était représenté à partir des causes premières et à travers les stades de la création (p.156, Ibid.). Puissance magique du Théâtre due, selon lui, à une mémoire « organiquement liée aux proportions révélées par l’harmonie du monde » (p.183-84, Ibid). L’entreprise de Giulio Camillo était donc de créer, aux moyens mystique (cabalistique et hermétique) et philosophique, un espace-temps où coïncide un très grand nombre de causes convergentes. _Exemple illustrant une liste de symboles corporels mnémoniques : _Illustration d'un palais de la mémoire possible : Ce projet de film est né de cette découverte et il est nous est apparu évident que ce film devrait, d'une manière ou d'une autre, être le palais mental d’un penseur dans lequel un personnage déambule virtuellement et retrouve les arguments les uns à la suite des autres, constitutifs alors de sa pensée. Nous avons appris que Leibniz était le dernier philosophe de la Renaissance a avoir pratiqué l’art de la mémoire (notamment avec son art combinatoire) et sa Monadologie étant très imagée il nous a semblé juste de le choisir. Nous ne chercherons pas, bien sûr, a représenter l’univers tout entier, les causes premières et les stades de la création selon Leibniz, mais nous chercherons simplement, par ce film, a créé un objet temporel préambulaire à sa philosophie. Aussi l’art de la mémoire est extrêmement lié dans ses origines à Aristote, ce dernier faisant référence à l’Art de nombreuses fois dans son oeuvre (notamment « l’âme ne pense jamais sans une image mentale » dans De anima, 432a, 17) et nous savons que Leibniz considérait sa philosophie comme une réponse voir un perfectionnement de la pensée aristotélicienne. Ce serait donc un homme, déambulant dans un désert (qui permettrait une certaine clarté mnémonique selon Saint Augustin) d’abord, puis dans son palais mental et recouvrant au fur et à mesure, pas après pas, les arguments fondateurs de la pensée leibnizienne. Nous chercherons tout à la fois à rendre compte d’une pensée exploratoire du lieu et des images autant que d’une exploration de la pensée elle-même et il s’agira d’en trouver la coïncidence et l’adéquation. Ci-dessous le projet de décor pour le palais mental :