« Marie-Xavière Wauquiez, d’où vous vient cet intérêt pour les taxis et la certitude de leur rôle social, économique et environnemental dans notre société ? »

Je me suis intéressée à la question des taxis en 2006, quand j’ai commencé à travailler dans le domaine du transport des personnes, en tant que responsable Développement Durable. Du point de vue environnemental, les taxis utilisent effectivement des voitures mais pour exécuter une prestation au service du public. D’un point de vue global, ils sont loin d’être les plus polluants ! A l’époque, les spécialistes de la question étaient des universitaires assez éloignés de l’opérationnel et la situation semblait figée. Rappelons-nous les conséquences du rapport Attali en 2007 ! Il y a un peu plus d’un an, l’arrivée massive du digital dans ce domaine est venue rebattre les cartes en rendant possible l’émergence de la concurrence des VTC. J’ai alors décidé de revisiter la question sous l’angle conjoint de la mobilité durable et du numérique.

« Vous avez eu en fait une réelle prise de conscience : les taxis sont les grands « oubliés » quand on aborde le sujet de la mobilité durable ? »

Ce qui est frappant, c’est que c’est une profession très ancienne, puisqu’on peut la faire remonter aux cochers de fiacre sous Louis XIV, qui a été très innovante à une époque, mais qui s’est laissée totalement distancer depuis l’émergence de la « voiture pour tous ». Aujourd’hui, il y a fréquemment des colloques organisés sur la mobilité durable et l’impact de la digitalisation sur les professions concernées, mais les taxis sont systématiquement absents du débat. Derniers exemples en date : les rencontres du Transport Public à Bordeaux fin novembre ou le séminaire « Mobilité Mutations » organisé par l’ADEME début décembre. Ou encore les Rencontres de la Mobilité Inclusive le 13 décembre.

« Vous qui défendez cette profession dans la chaîne de la mobilité durable, quelle analyse faites-vous de la réalité de leur situation économique aujourd’hui ? »

En commençant cette étude, je n’avais pas d’avis préconçu. Je ne savais pas que j’allais finir par défendre cette profession ! Mais j’ai découvert que ces soi-disant rentiers étaient des travailleurs acharnés, méritants, à la réputation souvent imméritée. En France, la question de la licence vient cristalliser toutes les tensions autour de cette industrie et empêche la réflexion de poser les véritables enjeux que ces professionnels doivent urgemment relever sous peine de disparaître à assez courte échéance. La licence, qui avait toujours été un investissement sans risque, ne l’est plus.

« A qui s’adresse votre livre exactement ? »

Mon livre s’adresse aux taxis, aux élus et plus largement à tous ceux qui s’intéressent aux questions de mobilité, donc d’économie ! Les premiers doivent prendre conscience de leur responsabilité sociétale pour utiliser un vocabulaire très « Développement Durable ». Les seconds doivent intégrer cet usage de la voiture dans la chaîne de mobilité. Quant aux derniers, j’espère que mon livre va leur apporter la preuve que rien n’est figé dans notre société, même pas les taxis !

« Marie-Xavière Wauquiez, en défendant les taxis, est-ce que vous ne défendez pas in fine la place des voitures en ville ? »

Ce que je défends, c’est l’usage raisonné de la voiture, qui est une solution de mobilité souple et agile. D’ailleurs, le numérique vient rendre possible de nouveaux usages, tels que le co-voiturage ou l’auto-partage dans des proportions encore jamais vues. Une ville sans aucune voiture est inimaginable et n’a d’ailleurs jamais existé depuis l’invention de la roue, voire même avant !

« Est-ce que vous pensez que le développement des VTC* est incompatible avec celui des taxis traditionnels ? »

Honnêtement, je ne le pense pas. Dans certaines grandes villes étrangères, Londres ou New-York, ces professions cohabitent d’ailleurs très bien depuis fort longtemps. En France, à Paris particulièrement, le taxi est, en fait, déjà plus ou moins à cheval sur les 2 segments du fait de la puissance des services de radio-taxis. Le développement des VTC est compatible avec celui des taxis si la puissance publique favorise et encourage le développement simultané d’une culture du taxi, pratiquement inexistante à ce jour pour une très importante partie de la population.

« Pour finir, si cette profession et les parties prenantes mettaient en application l’ensemble de vos recommandations, l’avenir des taxis cesserait de s’assombrir et qui plus est, ils occuperaient le vrai rôle qu’ils ont à jouer dans la chaîne de la mobilité durable ? »

Le numérique, en ce qu’il accélère tous les processus avec lequel il est en contact, peut permettre aux taxis de rattraper le retard qu’ils ont pris dans les domaines que j’évoque : la prise de conscience du rôle essentiel qu’ils jouent dans la société contemporaine, la qualité de service attendue par les clients, l’appartenance à un réseau de professionnels et de clients. Le taxi qui veut rester le maître à bord de son véhicule sans jamais rendre de compte à personne a vocation à disparaître sous peu. Par contre, le professionnel en phase et en harmonie avec son époque et avec ses clients peut s’attendre à vivre de très belles et très longues années ! Quand les taxis auront avancé sur ces sujets, ils seront prêts à collaborer avec leurs parties prenantes externes que sont les municipalités, la SNCF et les réseaux de transport public, les hôpitaux, les lieux culturels, etc . pour que cette industrie redevienne pérenne, moderne et performante

Taxis, l'avenir en 3D - durable, digital et darwinien